Des habitants d'Enkhila (Nabeul) et El Attar (Tunis) ont manifesté devant l'Assemblée nationale constituante, le 21 mai, pour protester contre la mauvaise gestion des décharges se trouvant à proximité de leurs habitations « Je veux respirer un air pur », « sauvez-nous des décharges», « nous ne nous tairons pas sur notre droit à la vie ». Voilà ce qu'on peut lire sur les banderoles et pancartes brandies par les manifestants en colère. « Il y a trop de déchets, trop de mauvaises odeurs... beaucoup de personnes sont malades en raison de la pollution. Cela fait 14 ans que ça dure, c'en est assez !», s'indigne Saida Jebali, habitante d'El Attar. Asthme, allergies, chutes de cheveux ... les maux évoqués par les manifestants sont nombreux. Au centre des problèmes : la mauvaise gestion de la décharge contrôlée de Borj Chakir. Outre la pollution de l'air, l'eau de boisson serait contaminée par le lixiviat*. « Le réservoir d'eau potable est à 10m de la décharge. L'eau qui sort des robinets est puante, on ne la boit pas », affirme AymenTrabelsi. A Enkhila, les habitants connaissent des nuisances similaires, à cause de la décharge de Nabeul. « Le lixiviat se déverse dans l'oued Chiba. L'eau qui provient de cet oued sert à irriguer les tomates et les fraises...», affirme un manifestant. « La décharge est entourée d'une zone agricole, rappelle Sadika Sghaier. L'agriculture est notre seule source de revenus, et aujourd'hui elle est menacée ». Il y a 7 mois, Sadika a perdu son père, décédé à la suite d'un cancer. Elle est convaincue qu'il est tombé malade à cause dela pollution. « J'ai des voisins qui ont aussi le cancer alors qu'ils sont encore très jeunes », dit-elle. De nouvelles promesses Plusieurs discussions entre la population et des responsables locaux et gouvernementaux ont eu lieu après la révolution. Des promesses ont été faites mais la plupart d'entre elles n'ont pas été tenues. « Quand on vient contester on nous dit de nous taire, certains d'entre nous ont même été menacés par des élus locaux», affirme Sadika Sghaier. Dans sa main, la jeune femme tient des lettres destinées aux députés de l'ANC. « Les autorités s'acharnent à ne pas vouloir nous entendre, mais on essaye quand même de faire parvenir nos voix », explique-t-elle. Un petit comité de manifestants a été reçu par des députés de la commission de l'infrastructure et l'environnement. «Ils ont dit qu'ils allaient travailler sur le dossier, mais de toutes les manières on maintient la pression », déclare Morched Garbouj, président de l'association environnementale SOS Biaa. Pour les contestataires, les décharges existantes doivent faire l'objet d'un programme de réhabilitation dans les plus brefs délais, avant ou en même temps que la création de nouvelles zones de dépôt de déchets. *Le lixiviat est le liquide résiduel qui provient de la percolation de l'eau à travers les déchets. Il est chargé de polluants organiques, minéraux et métalliques, par extraction des composés solubles.