De notre envoyée spéciale Samira DAMI A mi-parcours la 66e édition du festival de Cannes s'égrène avec toujours en tête du box-office de la compétition Le Passé de l'Iranien Ashgar Farhadi. En attendant La vie d'Adèle du Franco-Tunisien Abdellatif Kechiche et Nebraska de l'Américain Alexandre Payne, Only God Forgives (Seul Dieu pardonne) de Nicolas Winding projeté, hier, a suscité un accueil mitigé, entre applaudissements et huées. Avec cet opus, le réalisateur danois signe sa deuxième participation à la compétition du festival de Cannes qu'il a déjà fréquenté avec Drive avec lequel il a remporté le prix de la mise en scène, il y a deux ans. Le film met en scène une histoire de vengeance déjantée d'une violence rarissime. L'action se déroule à Bangkok où Julian (Ryan Gosling) qui a fui la justice américaine, dirige un club de boxe thaïlandaise servant de couverture à son trafic de drogue. Sa mère (sublime Kristin Scott Thomas) chef d'une vaste organisation criminelle, débarque des Etats-Unis afin de rapatrier le corps de son fils préféré, Billy, le frère de Julian, qui vient de se faire tuer pour avoir sauvagement massacré une jeune prostituée. Ivre de rage et de vengeance, elle exige de Julian la tête des meurtriers. Julian devra alors affronter Chang (Vithaya Pansringarm), policier à la retraite, adulé par ses collègues. En fait, Julian est un gangster en quête d'une religion en laquelle il puisse croire, il veut se battre contre Chang, lequel se prend pour Dieu. Mais tout cela est-il convaincant quand après des scènes sanglantes et macabres Chang se met à chanter dans un cabaret style kitch une douce mélodie, sans doute pour faire passer la pilule ? Franchement entre les intentions et le résultat on reste coi. Où est passé le cinéma dans tout ça ? Envolé peut-être dans les méandres d'une fable prétentieuse qui distille la vacuité. Heureusement Gris-Gris du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun, unique film africain de la compétition, a sauvé la mise hier. Le film porte le nom de son héros, jeune habitant des quartiers pauvres de N'Djaména, amoureux de danse moderne malgré sa jambe gauche paralysée. Il improvise des chorégraphies électriques dans les night-clubs et rêve de devenir un danseur professionnel, mais son rêve se brise quand son oncle tombe gravement malade et qu'il se retrouve obligé de faire du trafic d'essence afin d'assurer l'argent pour les frais d'hôpital. Gris-gris (Souleymane Deme, plutôt danseur qu'acteur) est amoureux de Mimi, une jeune et belle femme de mauvaise vie dont il sera le sauveur. Le personnage de Gris-Gris donne au film toute sa vitalité grâce à une chorégraphie qui, malgré une gestuelle disharmonieuse, respire la vie. Simple, cohérent, le film qui se distingue par de belles séquences dont celle du chargement clandestin des bidons d'essence dans le fleuve, évite le drame et finit dans un retour aux sources : Gris-Gris et Mimi quittent la ville où ils sont poursuivis et battus pour la campagne où ils seront protégés par les femmes du village. Mieux, Mimi attend un enfant, un rayon de soleil dans la grisaille, une éclaircie dans un monde de brutes. L'épilogue donne au film toute sa dimension humaine et une belle ouverture sur l'avenir.