La Tunisie interjettera appel Que pensez-vous de la décision du Tribunal de l'Union européenne d'annuler la décision du Conseil de l'Union européenne concernant le gel des avoirs des proches de Ben Ali, en l'occurrence Slim Chiboub, Sakhr El Matri et Mohamed Trabelsi, en Europe ? Il s'agit d'un arrêt du Tribunal de l'Union européenne (UE) contre la décision n°72/2011 du Conseil de l'UE prise le 27 janvier 2011 après la fuite de Ben Ali. Cette décision n°72/2011 a trait à des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, organismes et entités au regard de la situation en Tunisie. Autrement dit, c'est par cette décision que les avoirs des proches de Ben Ali ont été gelés. Mais, en deuxième lieu, il faut exécuter cette décision, d'où la décision d'exécution 79-2011 du 4 février 2011 mettant en œuvre la décision 72/2011. Enfin, le règlement 101/2011 du Conseil de l'Europe est venu entériner cette décision. Or, dans la première décision 72/2011, le gel de ces avoirs était décidé pour motif «de détournement de fonds publics», mais dans la deuxième décision d'exécution 79/2011, le motif invoqué était : «blanchiment d'argent». Les avocats de Chiboub, El Matri et Trabelsi se sont fondés sur cette faille pour introduire un recours en avril 2011, contre la décision du Conseil de l'UE de geler les avoirs des proches de Ben Ali. Ainsi, le Tribunal de l'UE a jugé «que les opérations de blanchiment d'argent reprochées dans l'une des décisions ne sont pas nécessairement liées à des détournements de fonds publics tunisiens». D'où le jugement prononcé et rendu public hier énonçant que «le règlement de l'Union européenne n°101/2011 du Conseil du 4 février 2011 concernant ces mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Tunisie, est annulé en tant qu'il vise M. Slim Chiboub». Le même jugement a été prononcé pour El Matri et Trabelsi. A votre avis, s'agit-il d'un manquement des Tunisiens ou du Conseil de l'UE ? C'est le Conseil de l'UE qui en porte la responsabilité et non pas la Tunisie car ce n'est pas elle qui a rédigé les décisions. Les décisions ont été rédigées par le Conseil de l'Europe. Je crois qu'il s'agit d'un manque de coordination du Conseil de l'Europe. Mais je ne crois pas que c'est de la mauvaise foi parce que l'Europe soutient fermement non seulement la Tunisie mais aussi tous les pays du Printemps arabe, pour la récupération de leurs avoirs. Quelles seront maintenant les retombées et la Tunisie fera-t-elle appel de ce verdict ? Le Tribunal de l'Union européenne indique que les effets du règlement 101/2011 annulé sont maintenus jusqu'à l'expiration du délai de pourvoi ou si un pourvoi a été introduit dans ce délai, jusqu'au rejet de celui-ci. Autrement dit, le gel des avoirs des proches de Ben Ali est maintenu jusqu'à la prise d'effet de l'annulation du règlement 101/2011. Rien n'est définitivement perdu, la Tunisie interjettera appel du moment qu'il n'y a pas un problème de fond mais de forme. Il s'agit, maintenant, de bien ficeler le dossier afin qu'il ne soit pas rejeté de nouveau. En fait, je ne crois pas qu'il soit rejeté la prochaine fois s'il est bien présenté, et ce, pour des raisons légales. Justement, pour obtenir gain de cause ultérieurement, il est nécessaire et important qu'il y ait une réelle coordination entre les autorités officielles et les organisations non gouvernementales. Ce qui était le cas avant l'arrivée de la Troïka au pouvoir. Il faudrait d'autre part éviter toute tentative d'instrumentalisation politique de ce genre de dossier comme cela s'est passé lors de la récupération des avoirs de Leïla Ben Ali au Liban. Je conseille aux politiques de rester à l'écart. Car les institutions légales en Occident veulent traiter avec leurs homologues tunisiennes. De telles affaires ne doivent pas être traitées par des politiques qui méconnaissent les dossiers, mais plutôt avec des techniciens et l'appui de la société civile, en coordination avec les ONG et les gouvernements européens. Enfin, il est tout aussi important de sensibiliser l'opinion publique occidentale aux demandes et aux attentes des Tunisiens.