Après avoir été condamnée, le 30 mai, à une amende de 300 D pour port d'un aérosol lacrymogène et maintenu en détention pour d'autres accusations, l'activiste du mouvement Femen, Amina, a subi, le 5 juin, un interrogatoire devant le juge d'instruction pour répondre à des questions concernant son accusation de profanation de cimetière, d'atteinte à la pudeur et d'association de malfaiteurs en bande organisée. L'interrogatoire s'est déroulé sous haute surveillance sécuritaire et des barrières métalliques ont été installées autour du tribunal. A l'intérieur, dans les couloirs, la tension était vive et un grand nombre de parents et d'amis d'Amina, de représentants de la société civile et de médias tunisiens et étrangers accrochés à leurs portables, ont dû attendre plus de trois heures pour connaître le verdict car personne n'avait le droit d'assister à l'interrogatoire, hormis les 8 avocats de la partie civile, les 4 avocats de la défense et l'accusée. Mme Marion Van Renterghem, journaliste au quotidien français Le Monde, nous confie qu'elle suit avec intérêt le dossier du mouvement Femen et qu'elle est venue à Kairouan pour observer le déroulement de l'interrogatoire, voir comment l'opinion publique va réagir à ce procès médiatisé et comment la justice tunisienne va se situer par rapport à cette affaire : «En outre, j'aimerais connaître le verdict final. De toute façon, la justice est indépendante», d'où les entretiens avec des représentants de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme et certains avocats. Cet intérêt porté à l'affaire de l'activiste tunisienne Amina fait écho en quelque sorte aux propos tenus récemment par le ministre français des Affaires étrangères et de la porte-parole du gouvernement appelant à la clémence de la justice vis-à-vis des trois activistes Femen (2 Françaises et une Allemande) en détention à Tunis, car elles s'étaient dévêtues en public, en soutien à Amina Sboui. Des accusations fabriquées de toutes pièces Notons qu'à la sortie d'Amina vêtue d'un sefsari et entourée d'agents de sécurité, aucun journaliste n'a pu lui parler, ni l'approcher. On a juste entendu ses lamentations : «Mais laissez-moi regarder devant moi, je vais tomber!». Alors, tout le monde a dû se contenter des déclarations de ses avocats dont Maître Radhia Nasraoui et Maître Hayet Jazzar qui ont regretté le fait que les trois chefs d'inculpation soient fabriqués de toutes pièces et soient loin de la réalité: «En outre, les témoins ne sont pas crédibles et n'ont même pas mentionné les numéros de leur carte d'identité. Et puis, Amina n'a pas fait ce dont on veut l'accuser même si on n'est pas d'accord avec la manière qu'elle a choisie pour défendre ses idées pour la libération de la femme, il s'agit d'un conflit de générations. En fait, ce procès est une violence à l'égard du droit d'expression... C'est pourquoi nous avons déposé une demande de libération d'Amina au juge d'instruction, car il s'agit d'un dossier vide. Et on devrait avoir la réponse dans un délai ne dépassant pas les 3 jours. Enfin, sachez que notre cliente a fait preuve de beaucoup de maturité pendant l'interrogatoire et elle s'est bien défendue». Provocation et attitudes déplacées Ces avis ne sont pas partagés par les avocats mandatés par les associations et les habitants de Kairouan dont Maître Hamed Maghrebi qui a déclaré que lors de l'interrogatoire, on a présenté des preuves irréfutables des trois chefs d'inculpation qui montrent que l'activiste a choisi la provocation et des attitudes déplacées et calculées pour porter atteinte à la dignité des citoyens, ce qui risquait de provoquer des troubles à l'ordre public, outre d'autres affaires portant préjudice à la morale et dont ils veulent garder le secret pour la suite de l'enquête. Affaire à suivre.