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La révolution entre les seins d'Amina et la barbe de Seïfeddine Raïes
Publié dans Business News le 27 - 05 - 2013

Abdellatif Kechiche a obtenu la Palme d'Or au Festival de Cannes pour son film « La vie d'Adèle ». Une histoire d'amour entre deux adolescentes.
Kechiche sera considéré comme Français (ou faux Tunisien) par les-uns et Tunisien à part entière par d'autres. Son film déclenchera à coup sûr la polémique, surtout s'il est interdit de diffusion en Tunisie et ceci n'est pas exclu.
On va l'épingler en l'accusant d'encourager la décadence morale et de porter atteinte aux « valeurs nobles de l'islam » avec des images dépravantes que l'Occident veut nous imposer. En cet instant, il n'est pas exclu que le film soit interdit de diffusion en Tunisie.
Kechiche s'apprête à la censure d'ailleurs et s'est déjà dit prêt à supprimer des scènes qui pourraient susciter la controverse. Une telle autocensure lui vaudra à coup sûr des critiques de tous genres.
Mehdi Mabrouk, ministre de la Culture, est devant un vrai dilemme. S'il interdit le film, il sera taxé par tous les chantres de la liberté d'expression d'obscurantisme et de jouer le jeu d'Ennahdha. S'il l'autorise, il sera taxé d'encourager la dépravation et le projet « sioniste » de l'Occident.
Connaissant Mehdi Mabrouk, je suis persuadé que s'il n'était pas ministre, il aura été aux premiers rangs de ceux qui applaudissent le film. Mais vu qu'il est là où il est, il doit mettre ses propres valeurs dans sa poche et adopter celles que ses maîtres vont décider pour lui.
En attendant l'issue de ce nouveau feuilleton, deux faits indéniables : Kechiche est Tunisien qu'on le veuille ou pas. Son film ne répond pas à une problématique d'actualité en Tunisie, mais il répond à une problématique en France liée au mariage pour tous.
Amina du Mouvement Femen est en prison. Motif officiel : elle se trimballait avec une arme blanche qui consiste en cette bombe à gaz qu'on utilise pour l'auto-défense.
Motif réel, d'après la déclaration totalement diffamatoire et mensongère du gouverneur de Kairouan : Amina s'apprêtait à montrer ses seins en public, à atteindre les bonnes mœurs et les traditions arabo-musulmanes.
Que reproche-t-on, au fait, à cette jeune adolescente de 19 ans ? D'avoir osé montrer ses seins sur une photo qu'elle a ensuite balancée sur les réseaux sociaux (avec les tétons camouflés) en parfaite application de la ligne du mouvement Femen auquel elle dit appartenir. Ce mouvement cherche à se faire entendre, en usant de la provocation, pour critiquer les normes établies par la société. Ce n'est pas qu'en Tunisie qu'on est « gênés » par la vue de seins nus sur la voie publique, c'est pareil partout dans le monde à quelques exceptions près.
Dans ce brouhaha médiatique, dans ce paysage politique, ce type de provocations est une excellente manière pour faire entendre sa voix. Aussi bien Femen qu'Amina ont réussi leur mission.
Ceci est répréhensible ? Peut-être. Faut-il cependant les mettre en prison pour autant ?
En attendant l'issue de son procès, deux faits indéniables. Amina est Tunisienne qu'on le veuille ou pas. Elle a usé d'une arme commune à tous les adolescents de son âge : la provocation. Son acte est, peut-être, immoral pour certains, mais il est encore plus immoral pour la société et la justice de la mettre en prison. Les propos du gouverneur de Kairouan, représentant du président de la République, sont encore plus immoraux, car il prend en considération la morale d'une partie de la société (soit-elle une écrasante majoritaire) et fait abstraction de la réalité : le pays vit une révolution et on ne peut pas mettre en prison une gamine qui fait à sa manière cette révolution. D'autant plus qu'elle ne s'est pas dénudée en public, comme l'a déclaré le gouverneur.
Seïfeddine Raïes, du groupe salafiste radical (et illégal) Ansar Al Chariâa a été arrêté suite à des propos défiant la loi et l'Etat et proférés lors d'une conférence de presse (tout aussi illégale) organisée dans une mosquée. Il a été relâché après trois jours et on a considéré ses déclarations comme étant une opinion.
Lui aussi, il est Tunisien et c'est indéniable. Lui aussi cherche la provocation en bousculant la morale d'une partie de la société.
Et, ici aussi, on remarque que la justice a fonctionné avec le « deux poids-deux mesures ». Les provocations d'Amina sont intolérables. Celles de Raïes sont pardonnables.
Qu'on le veuille ou pas, la société tunisienne n'est pas représentée par ces extrêmes. Mais cette société tunisienne se doit de les accepter, tant qu'ils n'ont pas violé la loi et tant que leurs actions n'ont pas porté atteinte à leurs concitoyens.
Seïfeddine Raïes doit avoir le droit de prêcher sa parole (bonne ou mauvaise) et la société a le droit de le suivre ou non, tant qu'il n'y a pas d'infraction à la loi. S'il y a infraction, il se doit d'être puni de la manière la plus juste qui soit. Ni 20 ans de prison comme cela se faisait auparavant, ni libération comme cela se fait aujourd'hui.
Amina doit avoir le droit de s'exprimer (avec ou sans la provocation) et la société a le droit de la regarder ou non. S'il y a infraction, elle se doit d'être punie de la manière la plus juste qui soit. Mais on ne peut pas lui coller un fait qu'elle n'a pas commis, comme cela vient de se faire.
De même, Abdellatif Kechiche a le droit de diffuser son film (primé ou pas) et la société a le droit de le regarder ou non. Si un film enfreint la loi, qu'il soit interdit. Mais si ce n'est pas le cas, on n'a pas à le sanctionner sous prétexte qu'il bouscule l'ordre établi.
Il y a eu une révolution dans le pays pour dénoncer, justement, ces illégalités et ces injustices. La société et nos gouvernants n'ont pas le droit de faire abstraction de cette révolution et de perpétuer les pratiques dictatoriales où l'on dicte aux autres quelle religion suivre, à quelle doctrine obéir et quel film regarder.
L'affaire Amina, la controverse que suscitent le salafisme et ses dirigeants et la polémique que susciterait le film de Kechiche en Tunisie ont, essentiellement, une portée morale. Ce qui amène à se poser des questions quant aux libertés acquises après la révolution et, surtout, aux limites qu'on y impose. Au nom de la morale - dont la perception s'avère être relative- ne tenterait-on pas d'imposer un nouvel ordre, une nouvelle façon de voir les choses et une nouvelle forme de répression ?
Si on veut interdire les uns, interdisons les autres. Les Tunisiens ont le droit de refuser le moule social, de ne pas penser de la même manière et de ne pas croire aux mêmes idéaux.
Mais la Justice et l'Etat se doivent de traiter tous les citoyens à pied d'égalité, qu'ils soient salafistes ou nudistes, laïcs ou islamistes, athées ou musulmans. Que la justice et l'Etat leur « accordent » ce droit d'être différents.
N.B. : Pensée à Sami Fehri et Nabil Chettaoui, sous les verrous depuis des mois, en attente de leurs procès


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