Ils s'appellent les enfants de la lune et sont environ 800 en Tunisie. Mohamed Ali, Yassine, Lamia....ne pourront pas bronzer au soleil comme les autres enfants, construire des châteaux de sable sur la plage, jouer devant leur maison en plein jour ou apprécier tout simplement la douce caresse des rayons du soleil sur leur peau. C'est derrière les murs de la maison familiale qu'ils se réfugient, assis dans des pièces qui ne laissent pas entrer la lumière, afin de se protéger des rayons ultraviolets du soleil qui mettent leur vie en danger. Ces derniers sont, en effet, nés avec une maladie héréditaire rare, le Xeroderma Pigmentosum (XP) qui se traduit par une extrême sensibilité aux ultraviolets solaires. Alors qu'une personne normale a peu de chance de développer un cancer de la peau, grâce à la présence d'un système de réparation au sein des cellules exposées, qui élimine les gènes endommagés, les personnes atteintes de XP sont par contre très exposés au risque du cancer, dû au fait que ce processus de réparation fonctionne mal, à cause d'une anomalie située au niveau de la partie de l'ADN commandant cette fonction. Par conséquent, les dégâts causés par les ultraviolets ne sont pas réparés et s'accumulent, induisant une modification des cellules lésées qui deviennent cancéreuses. Cette exposition au soleil entraîne l'apparition de taches brunes et de petites protubérances ressemblant à des verrues qui donnent un teint très foncé à la peau des malades atteints de (XP). Le rejet des autres Ces derniers ont alors du mal dès la plus tendre enfance à supporter le regard des autres. C'est à l'âge de deux ans que les premières taches brunes apparaissent chez Yassine. L'enfant est hospitalisé pendant un mois et soumis à plusieurs analyses qui finissent par révéler une des formes du xeroderma Pigmentosum. Le médecin recommande, alors, à la mère de ne plus exposer son fils aux rayons du soleil et de lui faire porter toute l'année des vêtements qui recouvrent entièrement son corps et ses membres. Pendant près de quatre ans, ce dernier ne pourra pas mener une vie normale et jouer avec les enfants de son âge, restant à l'intérieur de la maison jusqu'à la tombée de la nuit. «Mon fils n'a pas eu une vie normale comme les autres enfants. Pour le protéger, j'ai dû l'empêcher de sortir de la maison, souligne la mère de l'enfant Aouatef, âgée d'une trentaine d'années, femme au foyer. Pendant des années, il ne pouvait pas sortir de la maison avant le soir. Pour qu'il ne s'ennuie pas, je reste jouer avec lui pendant toute la journée dans une pièce qui n'est pas exposée au soleil.. Son père et moi sortons le soir, pour l'emmener se baigner ou faire un tour au manège. Mais, c'est très difficile pour lui d'être mis à l'écart et de ne pouvoir jouer avec les enfants de son âge. Il s'ennuie beaucoup et est très triste». Cette situation conduit la jeune femme à inscrire son fils à l'âge de six ans dans un jardin d'enfants. Mais l'expérience tourne à la catastrophe car le petit garçon est rejeté par ses compagnons de classe. « Un jour il est rentré en pleurant, en me disant que personne ne voulait jouer avec lui car ils avaient peur.J'en ai eu le cœur brisé. J'ai, alors, décidé de le garder avec moi à la maison et de lui enseigner la lecture, l'écriture, les mathématiques…Je suis aussi sa compagne de jeu. Et maintenant, il commence à être plus confiant en lui-même et à retrouver espoir car il a rencontré des enfants qui ont la même maladie et qui sont devenus ses amis car ils vivent la même situation et se comprennent ». Le manque d'efforts des cadres scolaires Pour Fathia, âgée de 43 ans et originaire de Médenine, mère de cinq enfants dont le dernier est atteint de XP, la situation est d'autant plus difficile à vivre que la maladie du petit garçon âgé aujourd'hui de onze ans est très mal acceptée par l'entourage et les voisins. Mohamed Ali, qui est obligé de se rendre à l'école recouvert d'une couverture pour se protéger du soleil, a eu énormément de peine à se faire des amis et à suivre en classe à cause des troubles oculaires occasionnés par la maladie. «Il y a beaucoup de cas d'enfants atteints de XP dans la ville de Médenine. Pourtant, dans l'école où étudie mon fils, les instituteurs et les institutrices ne sont pas suffisamment sensibilisés à cette maladie, alors que ces enfants nécessitent une attention particulière. A cause des troubles qu'ils présentent, ils ont plus de mal à suivre que les autres enfants, par conséquent ils devraient bénéficier de cours de soutien au sein de l'établissement scolaire. Malheureusement, ce n'est pas le cas. L'instituteur ou l'institutrice doit veiller à ce qu'ils soient constamment couverts et les placer à des tables où ils ne sont pas exposés au soleil. Pourtant, ils ne font aucun effort». Une association d'aide aux enfants atteints de Xeroderma Pigmentosum a été créée pour informer les familles , les conseiller et les aider à acquérir les moyens de protection nécessaires pour préserver leurs enfants des rayons. Ces derniers doivent, en effet, utiliser en moyenne deux tubes de crème antisolaire par mois et se vêtir d'une tenue spéciale qui coûte la bagatelle de trois cents dinars outre l'utilisation dans les foyers d'une lumière spéciale et d'un film antiuv pour recouvrir les fenêtres et empêcher les rayons UV de pénétrer. Or le coût de ces moyens pèse lourd sur le budget des familles dont les revenus sont limités.