Le 15 janvier 2011, on propose au général le poste de président de la République tunisienne. Il refuse net Le passage avant-hier soir, pour la première fois, de Rachid Ammar, chef d'état-major des trois armées, sur la chaîne de télévision privée Ettounissia, dans l'émission «Neuf heures du soir», a été sujet de controverse sur la scène politique et auprè des citoyens, quand il a annoncé en direct son départ à la retraite. Une décison inattendue d'un patron de l'armée tunisienne au cœur vaillant, ayant joué un rôle majeur lors de la révolution du 14 janvier 2011 et même durant la période post-révolutionnaire. «Il ne s'agit pas de démission» Durant trois heures, dans une interview fleuve, Rachid Ammar, le militaire légaliste, probe, le plus attaché à la neutralité de l'armée, celui qui a été toujours convaincu que «le pouvoir n'était pas à prendre mais à ramasser», n'a fait que des révélations. L'homme qui ne s'est jamais exprimé dans les médias a rompu le silence, pour annoncer à un moment fatidique, à la fin de l'émission «Neuf heures du soir», vers minuit, son départ. Emu, les larmes aux yeux, «j'ai décidé de quitter l'armée. Il ne s'agit pas de démission. J'ai tout juste fait valoir mes droits à la retraite. J'ai atteint la limite d'âge en 2006. Et puis, j'ai été reconduit dans mes fonctions. Je crois que le moment est venu pour céder ma place. J'ai présenté, samedi dernier, une demande écrite dans ce sens au président de la République M. Moncef Marzouki qui l'a refusée, mais il a dû finalement l'accepter devant mon insistance», précise-t-il. Une annonce qui vient à point nommé honorer sa volonté de s'enorgueillir des services qu'il a rendus au sein de l'institution militaire à la nation. Ces propos annoncés à la fin de l'émission ont été le message essentiel que le général Ammar voulait transmettre au peuple tunisien. Il s'est montré, par ailleurs, tout au long de l'interview, l'homme qui suscite respect et estime, à travers ses déclarations non dénuées parfois de spontanéité, parfois d'amertume, d'inquiétude, notamment celles affirmant que le pays est en voie de «somalisation», une analyse qui ne peut qu'alimenter le doute dans ce contexte actuel de tiraillements politiques et de marasme économique. Trois heures durant, le patriote Ammar — comme il se définit — n'a pa manqué de faire sensation. Il a parlé comme il ne l'a jamais fait, au point de devenir bavard, contrairement à son devoir de réserve et aux traditions militaires. Parler pour divulguer des réalités jamais communiquées depuis la révolution, suscitant la suprise de tout le monde et prenant de court aussi bien les présentateurs que les téléspectateurs. Froid, grave, parfois ironique Tout en répondant aux interrogations des journalistes Moez Ben Gharbia et Slaheddine Jourchi, le général Ammar s'est montré, pendant plus de trois heures, froid, grave, parfois ironique, n'était pas avare, même si des fois il refuse de tout révéler —secret défense oblige. Après avoir brossé un tableua sombre de la situation sécuritaire en Tunisie, il a évoqué longuement les évènements du 14 janvier après la fuite du président déchu, et du 15 janvier où on lui a proposé le poste de président de la République pour des raisons sécuritaires et politiques, «un militaire ne doit pas faire la politique». Ensuite, le chef d'état-major a évoqué les évènements de Chaâmbi et leurs conséquences sur l'état sécuritaire et l'avenir du pays, «l'objectif des terroristes était de prendre le pouvoir». Il n'a pas manqué, par ailleurs, de révéler essentiellement la défaillance du système des renseignements , précisant en ce sens, que «les terroristes campaient pendant une année au mont Chaâmbi, sans que personne ne s'en soit rendu compte et n'avise les autorités», ajoute-t-il. «Ce qui se passe en Tunisie est très grave. Nous avons d'autres Chaâmbi, le risque de somalisation nous guette. Pour faire face à ce danger, il faut faciliter l'accès aux renseignements. C'est pour cela que j'ai demandé au président de la République de créer une agence nationale de renseignement», ajoute le général Ammar. C'est lui aussi qui a soufflé à M.Hamadi Jebali l'idée d'un gouvernement de technocrates au lendemain de l'assassinat de Chokri Belaïd, ce qui explique sa présence lors de la réunion du conseil des sages. Les propos et les critiques de Mohamed Abbou à son encontre l'ont rendu aussi ulcéré, propos qu'ils qualifient «d'injustes, déplacés et sans arguments fondés». Ces propos et bien d'autres qui n'ont pas été encore divulgés, «mais qui seront communiqués, sans uniforme, dans les jours à venir, permettront d'éclairer l'opinion publique». A l'évidence, la chaîne Ettounissia a encore une fois pulvérisé le taux élevé d'audience durant trois heures et demie avec 49%, suite à laquelle les réactions suscitaient d'autres interprétations, à savoir si le général Ammar va se jeter, sans uniforme, dans l'arène politique.