«Il n'y a aucune raison pour que la Tunisie ne puisse pas avoir des taux de croissance plus élevés d'environ 7%», affirme Messaoud Ahmed, directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale au FMI La dernière entreprise entre la Tunisie et le FMI, notamment le prêt de 2.7 milliards de dinars, a suscité des remous et des réactions hostiles chez l'opinion publique. D'une part, l'image de l'institution populaire sous la dénomination du «pompier» s'est dégradée en Tunisie depuis la mise en place de l'ancien Plan d'ajustement structurel en 1986, ainsi que toutes les réformes douloureuses qui avaient suivi. D'autre part, l'efficacité des nouveaux prêts contractés depuis la révolution est souvent contestée par l'affectation quoique partielle de ces fonds à des dépenses de gestion non productives et non créatrices de richesses ni d'emplois. Pour en savoir plus de l'approche adoptée par le FMI pour venir en aide à la Tunisie, on a posé quelques questions à M. Messaoud Ahmed, directeur du département du Moyen-Orient et de l'Asie centrale. L'objet de sa visite est de faire le point avec les dirigeants tunisiens sur les programmes de coopération en cours, ainsi que de rechercher les meilleurs moyens pour soutenir le pays. S'attardant sur le dernier financement, M. Ahmed a rappelé que ce prêt vise à appuyer un programme national préparé et proposé par le gouvernement tunisien. «Durant de longs mois, l'équipe gouvernante a préparé tout un programme dont le budget n'est qu'une composante», précise-t-il, en faisant allusion que les fonds débloqués ne sont pas destinés à l'appui budgétaire. Plus large que le budget, la logique du FMI, ne serait-ce que pour le cas de la Tunisie, s'articule sur trois axes et trois objectifs. «Maintenir la stabilité macro-économique et financière», avance-t-il en premier rang. Et d'ajouter : «C'est un objectif si important pour un pays comme la Tunisie qui a été secouée par deux douloureux chocs : la transition politique historique et la conjoncture internationale difficile». Balance des paiements Le deuxième axe de l'approche du FMI consiste à soutenir les réformes «qui vont permettre d'accélérer la relance économique avec une croissance plus élevée, mais aussi plus inclusive», précise-t-il. Soit une croissance créatrice d'emplois. Dans cette perspective, rappelle-t-il, plusieurs réformes avancées par le gouvernement tunisien sont essentielles, notamment la réforme du secteur bancaire. Et pour le troisième axe, «l'objectif est de protéger les ménages les plus vulnérables pendant cette période de transition», insiste le directeur. «Et il y a des réformes relatives à ce sujet dans le programme du gouvernement tunisien», rappelle-t-il. En somme, «le financement du FMI est dédié aux besoins de la balance de paiements. Ce n'est pas un appui budgétaire», relève-t-il. Et comme tout financement extérieur, il est important, souligne-t-il, de vérifier si les fonds conséquents seraient alloués à des projets prioritaires, rentables, bien exécutés et importants aux yeux des citoyens. Dans cette perspective, ceux qui soutiennent la thèse du conditionnement de financement pourraient se justifier par ces critères. Surtout que sur le site du FMI on peut lire «lorsque un pays emprunte auprès du FMI, ses autorités acceptent d'ajuster leurs politiques économiques...». En guise de réponse, M. Ahmed insiste : «C'est un programme du gouvernement. Et les réformes inscrites ont été préparées et discutées avant de les inclure dans ce programme». Et d'illustrer: «Pour élaborer un nouveau code d'investissement, le gouvernement a lancé maintes consultations élargies avec les parties prenantes Utica/Ugtt et la société civile». Sur un autre plan, les réformes sont essentielles pour encourager l'investissement, selon le directeur. Et assurer une justice sociale. Il énumère à cet effet : «Améliorer les performances du secteur bancaire, réviser la structure des dépenses pour mieux cibler les fonds vers les régions défavorisées et les franges les plus démunies...». Et d'ajouter «Des réformes qui ont pour objectif d'accélérer la croissance mais aussi d'améliorer le niveau de vie de tout Tunisien». S'attardant sur la conjoncture économique en Europe, il estime que les effets de la récession seraient ressentis par tous les pays du Maghreb, principalement la Tunisie et le Maroc. Par ailleurs, les pays de la région Mena souffrent des secousses inhérentes aux processus de transition. «Mais, c'est très important de ne pas perdre de vue les possibilités et les points forts de la Tunisie», note-t-il. «Il n'y a aucune raison pour que la Tunisie ne puisse pas avoir des taux de croissance plus élevés d'environ 7%», ambitionne le directeur du département Meca. Cela demande, selon M. Ahmed, la traversée de cette période de transition mais aussi de parer à quelques faiblesses structurelles. «Et nous sommes pleinement déterminés à aider la Tunisie pendant cette période de transition historique», conclut-il.