Les 9 et 13 juin, à l'Acropolium de Carthage, vous ne fêterez pas seulement le chef-d'œuvre de Purcell : Didon et Enée, mais tout un ensemble d'activités artistiques, à commencer par le chœur de la Ville de Tunis dans une sobriété et une exigence très attirantes. Certains membres illustrent la soirée par la danse avec une prestation inédite du groupe «Fuego y passion» qui harmonise les pas du tango aux rythmes du compositeur. D'autres participants venus du groupe théâtral «Moussaï» tissent la toile du spectacle en anglais et en français : ils disent la «trame» du drame d'amour malheureux et tout ce qui «se trame» entre les esprits malfaisants pour faire du destin d'Elyssa une tragédie incomparable… La musique est formée d'extraits de l'opéra et d'autres œuvres. Le spectacle à trois niveaux est surtout explicite aux anglophones car le groupe de Doha Boukri est surtout composé d'étudiants d'anglais (ce qui explique certains anglicismes dans le programme de présentation) mais dans le trio de sorcières qui complotent le malheur de Enée et Didon, une se détache et narre en français. Le spectacle est très explicite : d'abord il y a la grande activité langagière des sorcières fatales (par deux fois) à Didon, le jeu mené par les marins et conseillers de la cour d'Enée. Ces acteurs éveillent l'attention et rythment les interventions. L'une des innovations, c'est la représentation double du couple tragique : dans le jeu des acteurs, dignes et persuasifs, et dans le couple de danseurs formé par Amel et Makrem, qui sublime l'entrée en matière et la conclusion de l'histoire en des pas alanguis tantôt réjouissants, tantôt désespérés… La démarche de «Fuego y passion» est originale. Chaque danseur chante par ailleurs. Le tango et la malinga sont revisités pour convenir à la musique baroque. Et on capte les points communs dans une assez savante chorégraphie. Beauté inattendue Le chœur travaille toute l'année au lycée P.Mendès France, il est dirigé par la main ferme d'Andrea Saddam, elle-même soprano et violoncelliste. Elle tire le meilleur parti de son groupe dévoué et talentueux. Cette activité musicale a été déployée par deux fois à Hammamet et c'est un nouveau défi que celui de l'Acropole de Carthage avec ce spectacle au profit d'une association, «Les enfants de la lune». Amel Afsa, la chorégraphe, a déployé son énergie sans compter. Tous ont participé bénévolement à la conception de ce triptyque éblouissant qui convoque donc toute notre attention portée aux voix accompagnées par le pianiste Miroslav Haffouzov, aux bruitages et arrangements scéniques, aux danseurs et aux acteurs. Les choses sont harmonisées subtilement et loin de disperser l'attention, elles la concentrent en une vive émotion. L'implication de chaque participant (à l'égal des solistes) est à souligner. Groupes soudés mais ouverts, ils fluctuent au gré des états d'âme et des occupations ou études de chacun. Le succès commun fait revenir tout le monde en un ingénieux et triomphant arrangement esthétique.