Député de Afek Tounès, il s'est converti au «joumhourisme», une conversion pas très heureuse, puisqu'il vient de démissionner. Pourquoi avoir pris une décision qui peut paraître extrême, démissionner ? La raison est très simple ; moi et quelques amis, nous nous sommes engagés dans la politique depuis le 14 janvier, pour mettre en place un projet bien défini et un rêve que nous partageons avec les plus jeunes d'entre nous notamment. Nous avons fait une première expérience qui était relativement réussie, Afek Tounès, mais non suffisante. Dans cet effort, nous nous sommes engagés dans une deuxième tentative pour concilier les forces démocratiques. Nous avons également résisté à la tentation d'être avec le gouvernement qui voulait que le petit parti Afek y participe. Dans cette tentative d'unir les forces démocratiques, nous nous sommes liés avec le PDP pour créer cette culture d'équilibre des pouvoirs. Qu'est-ce qui n'a pas marché ? Lorsqu'on s'est engagé avec le PDP pour créer ensemble Al Joumhouri, en termes d'équilibre de poids, on était à 75 et 25%. Aussi, il y avait un parti qui avait la légitimité de la résistance, et une opposition de longue date. Et un autre parti qui abrite de nouvelles compétences. Des quadras qui n'ont jamais fait de politique, mais qui veulent tout donner à ce pays. En théorie, cette union avait tout pour réussir. Malheureusement, cette fusion qui devait faire effet boule de neige pour attirer les forces démocratiques a essuyé un grand échec. Nous autres, venant du monde de l'entreprise, étant pragmatiques, on s'est mis autour d'une table pour chercher à comprendre les raisons de ce revers, et l'évaluer. Le problème essentiel était que notre ligne politique n'était pas très clairement définie. Il y a aussi une distance entre deux sensibilités idéologiques, avant d'être politiques qui ont du mal à fusionner, qu'en pensez-vous ? Parmi ceux qui sont partis d'Al Joumhouri, il y a des gens assez conservateurs, tout en étant très laïques. L'axe qui est plus important à étudier, c'est l'axe social-libéral. Par ailleurs, cette différence idéologique pouvait devenir une source d'enrichissement. Il était question de créer des courants au sein de ce groupe. Mais le positionnement à Ennahdha, par rapport à l'Union pour la Tunisie, et à la constitution n'était pas circonscrit. Quelle constitution voulons-nous vraiment et quelles sont les lignes rouges à ne pas dépasser ? Ce n'était pas clair. Par exemple, l'article 141 ne dérange pas tout le monde. Personnellement, cet article me dérange. Je ne signerai pas cette constitution, tant qu'il est écrit de cette façon. C'est à ce niveau-là qu'il y a eu divergence, pour ne pas dire opposition ? Oui, il y a eu des divergences dans les opinions, je n'irai pas jusqu'à dire opposition. Divergence il y a, et opposition également, puisque vous avez décidé de claquer la porte avec quelques collègues ! Je n'ai pas claqué la porte. Je vais continuer le même projet pour la Tunisie, pour lequel je me suis engagé corps et âme. Ce n'est pas une fuite, mais c'est aller vers un objectif qu'on n'arrivait pas à atteindre dans cette alliance. Le deuxième problème qui se posait dans ce groupe, en plus de la ligne politique, c'est la gouvernance du parti. Nous sommes des jeunes et des moins jeunes, nous avons voulu apporter de nouvelles méthodes de gestion. Comme Ennahdha travaille d'ailleurs. Malheureusement, cela n'a pas été possible. En outre, il y a très souvent ce que dit le parti, et ce que dit M. Chebbi, le noyau dur s'aligne toujours sur les déclarations et positions de M. Chebbi, qu'elles soient bonnes ou moins bonnes. Et ce groupe de cinq personnes qui décident a fait que notre apport et notre valeur ajoutée à cette entreprise politique ne soient pas à la hauteur de notre engagement et de nos aspirations. Nous étions en train de perdre, on est passé de 8% le jour de notre fusion à 2 ou 3% actuellement. Quelque part, quelque chose n'a pas marché. Par contre, Si Chebbi nous a soutenus dans notre combat d'actualisation des modes de gestion du parti. Aussi, on voulait créer un courant de pensée légèrement différent de celui prôné par le noyau dur. Nous avons essuyé un refus total. L'opposition a perdu les élections du 23 octobre à cause de l'émiettement. Vous n'êtes pas en train de refaire le même scénario ? Vous auriez pu rester là ou vous êtes et défendre les valeurs auxquelles vous croyez, dans l'alliance démocratique, plutôt que de saborder un parti pilier de l'opposition. La réalité, c'est que les forces démocratiques devaient s'allier autour d'Al Joumhouri qui devait être le pilier de l'opposition. Il faut regarder la réalité en face et faire confiance aux chiffres. Pourquoi ce parti n'arrive pas à être le chef de file de l'Union pour la Tunisie? Nous avons perdu énormément de militants. Vous êtes en train de créer un nouveau parti ou de faire ressusciter Afek ? Nous sommes en train de discuter avec tous les militants qui ont démissionné et qui reviennent en ce moment vers nous, pour créer quelque chose qui porte le même rêve que portait Afek ; et qui repose sur la jeunesse, sur la compétence, sur la solidarité entre les couches sociales, et la réforme de l'Etat tunisien. Sur ces quatre fondamentaux, nous allons construire quelque chose qui sera, je pense, un parti. On reprochait à Afek d'être le parti des cols blancs, et d'être dépourvu de la moindre profondeur territoriale et sociale? Je viens d'un petit village dont personne n'entendait parler il y a quelque temps. Mon père avait 60 DT pour faire vivre une famille de 10 personnes. Grâce à l'ascenseur social, il y a des gens qui ont réussi leur vie économique. C'est justement de ça que les gens ont besoin, les jeunes, notamment, qui veulent bénéficier de l'intégration sociale et réussir leur vie. Et s'ils veulent devenir des cols blancs qu'ils le deviennent, et s'ils veulent devenir des cols bleus qu'ils le deviennent aussi. Mais qu'ils aient la chance d'avoir des possibilités d'ouverture. Quelle est votre prochaine étape ? Parler avec nos militants. D'ici la fin de Ramadan, on prendra une décision collégiale. Ce sera le départ vers un nouveau rêve et un projet. Et je le dis clairement, nous ne le faisons pas pour nous, nous le faisons pour la famille démocratique et pour nos enfants. S'il faut donner à la famille progressiste les 4 ou 5 % que nous pourrions recueillir, on le ferait sans hésiter. Ce sera un devoir. Par contre, il faut que nos priorités soient claires, redonner de l'espoir à une jeunesse qui a déserté la politique par déception. Retravailler la politique locale au niveau des municipalités. C'est là où tout commence. Ce n'est pas uniquement à Tunis, avec une centaine de personnes qui décident pour le pays. C'est au niveau des municipalités que ces jeunes, se soudant autour d'un projet pour leur ville, pour leur village, que les choses pourraient changer.