Dans une conjoncture exceptionnelle, une consolidation budgétaire basée sur l'austérité pourrait échouer, compte tenu de la faible croissance. Il est largement admis qu'il est plus facile d'assainir le budget à long terme dans le cadre d'une croissance élevée. C'est un fait : l'économie tunisienne ne parvient pas à sortir de la croissance molle dans laquelle elle est engluée. Et si le gouvernement mettait fin trop tôt aux plans de relance, il y aurait un risque de rechute dans la récession et la dépression. Mais un maintien trop prolongé de ces plans de relance ne peut que faire aggraver les déficits budgétaires et augmenter le risque d'un défaut de paiement. C'est autour de ce dilemme que doit se concentrer encore le débat économique en 2013 et 2014. A vrai dire, le gouvernement en place a expliqué avoir mené une politique dite «keynésienne». Cela est toujours pratique de faire référence à cet illustre économiste. Le problème est que Keynes, père des stabilisateurs automatiques, serait sans doute excédé par cette terminologie s'il était encore parmi nous. En se référant à la théorie générale de Keynes (laisser filer les déficits publics en cas de récession), de nombreux hommes politiques ont mis en avant leur programme de relance budgétaire comme seule réponse efficace à la crise économique. Mais Keynes envisageait aussi le retour aux excédents budgétaires après la crise. De ce point de vue, le gouvernement actuel est donc loin d'être keynésien. Il engage sa responsabilité budgétaire à long terme et présente bien souvent des budgets déficitaires quel que soit l'état de la conjoncture et de la croissance. Rien d'étonnant alors à ce que le déficit budgétaire finisse par atteindre des sommets. Considéré comme le mal absolu, le déficit budgétaire va donc rappeler à l'ordre le gouvernement en place. Ainsi, les périodes de fin d'année ne sont pas uniquement consacrées aux fêtes mais aussi au « marathon » budgétaire et comme tous les pays, la Tunisie doit préparer son projet de budget pour l'année à venir. Mais voilà, en ces temps difficiles, ce traditionnel «marathon» budgétaire doit être placé sous le signe de l'austérité budgétaire. En effet, après les plans de relance massifs en 2012 et 2013, viennent aujourd'hui les plans de rigueur, pour mettre un terme à la dégradation de l'état des finances publiques et ceci malgré la faiblesse et le caractère lent, incertain et chaotique de la reprise économique. Tensions fiscales et inflationnistes Aujourd'hui, ces plans de rigueur divisent les économistes. Il y a ceux qui accordent la priorité aux mesures de soutien à l'activité et souhaitent maintenir l'accélérateur enfoncé, d'une part, et ceux qui préfèrent appuyer sur le frein et remettre rapidement de l'ordre dans leurs finances publiques, d'autre part. L'opposition entre court terme et long terme met, face à un soutien « keynésien » à la demande, une logique « ricardienne » de réduction des déficits. Pour les « ricardiens », une consolidation budgétaire par réduction des dépenses rassure les ménages qui anticipent une stabilisation des impôts. Ces mêmes « ricardiens » ajoutent d'ailleurs que la thèse dite keynésienne n'est pas tenable dans la mesure où le rapport entre revenu et consommation n'est pas stable. Preuve que les ménages sont inquiets et doivent être rassurés. Preuve qu'il faut réduire le déficit, au grand dam des keynésiens. En revanche, dans une conjoncture exceptionnelle, une consolidation budgétaire basée sur l'austérité pourrait échouer compte tenu de la faible croissance. Il est largement admis qu'il est plus facile d'assainir le budget à long terme dans le cadre d'une croissance élevée. Ceci dit, le basculement d'une politique de relance à une politique de consolidation budgétaire risque de contrarier les mesures de relance prises initialement. En conséquence, les effets indésirables de l'indispensable remède risquent de nous renvoyer à nouveau à l'hôpital. Quoi qu'il en soit, l'accumulation de déficit budgétaire et donc de la dette génèreront tôt ou tard des tensions fiscales et inflationnistes, ce qui est de nature à peser sur une reprise économique toujours fragile. On s'accorde généralement à penser que la stimulation budgétaire est souvent une opération risquée. Si les gouvernements décident de retirer trop tôt les mesures de relance en augmentant les impôts, en réduisant les dépenses, l'économie pourrait bien retomber dans la récession. En définitive, aucune économie, aussi puissante soit-elle, n'est immunisée contre les crises. La tâche du gouvernement en place s'annonce pour le moins délicate en 2014. Certes, la croissance est en train de repartir. Mais il y a un consensus pour l'estimer relativement faible et surtout fragile. Les risques d'une rechute sont toujours présents et il est inacceptable que les défis de développement régional et d'emploi soient encore reportés pour plus tard.