Avec la médaille d'or et celle de bronze de Barcelone, Oussama Mellouli devient le premier nageur de l'histoire à devenir champion olympique et du monde en eau libre et en piscine Il y a quelques jours encore, sur les télévisions, les radios et les unes des journaux, il n'y en avait que pour les Jeux méditerranéens de Mersin, compétition de quatrième zone à laquelle les principaux concernés eux-mêmes (soit les organisateurs turcs) ne prêtaient guère attention. A compétition mineure, résultats mineurs et une onzième place pour la Tunisie, qui en dit long sur l'état auquel notre sport a été réduit depuis longtemps déjà. L'être et le paraître La planque pour les fédérations, leurs responsables et leurs techniciens qui ont fait un beau voyage en Turquie et des emplettes, à défaut de performances et d'une bonne moisson de médailles. Et voilà tout ce beau monde reparti vers un autre bail, d'autres résultats improbables et d'autres beaux voyages. Entre-temps, sur les écrans des télés, sur les radios et sur les journaux, il n'y en a que pour Darragi revenu bredouille de Suisse et réintronisé Picasso national; le fantasque Korbi passé à l'ennemi et des dizaines d'autres joueurs et techniciens footeux incapables de se qualifier à la phase du Chan et de dominer Sierra Leone et Guinée équatoriale et qui tremblent à l'idée de passer à côté face au Cap-Vert ou encore face à un grand d'Afrique dans le dernier round qualificatif pour la phase finale de la Coupe du monde, Brésil 2014. Entre-temps également, nos responsables sportifs sautent d'un avion à l'autre (avec l'argent du contribuable) pour aller chercher des postes honorifiques, à travers des élections aux résultats connus d'avance, dans des organismes et des commissions qui n'apporteront rien au pays et au sport, mais qu'ils présentent comme un triomphe de l'intelligence et de la compétence tunisienne. Question de retrouver leurs photos sur tous les journaux et de réussir leur énième opération de public-relation. Rai, BBC, Washington Post, l'Equipe et la Gazzetta... Entre-temps et nous sommes là au cœur de notre sujet, Oussama Mellouli remporte son énième titre mondial qui s'ajoute à ses deux triomphes olympiques, à d'autres médailles mondiales et olympiques et à un véritable dépôt de médailles méditerranéennes, africaines et arabes. Cela dans l'indifférence presque totale, comme si l'on se réveillait chaque jour sur une victoire mondiale. Comme si on n'avait pas pleuré à chaudes larmes les performances non atteintes à Mersin et les médailles non remportées. Il fallait écouter s'exalter les chroniqueurs italiens sur la pureté de la nage de notre Oussama national, sa classe, sa longévité, sa volonté et sa science de la course, il fallait lire L'Equipe, la Gazzetta dello Sport, le Washington Post, le Swimming World ou regarder la BBC, Rai Sport ou encore ESPN pour mesurer la énième performance d'un nageur qui s'est mis à l'eau libre depuis seulement un an... Dans la foulée, une médaille d'or dans le 10 km aux Jeux olympiques de Londres 2012, une autre en or, samedi dernier à Barcelone sur le 5 km et encore une en bronze dans le 10 km. A court de préparation Un exploit que cela? même quand on sait que cette année devait être une année creuse, afin de lui permettre de bien récupérer psychologiquement et physiquement avant d'attaquer le cycle olympique. Et il n'y a pas que cela, puisque Oussama Mellouli était attendu au tournant par les spécialistes de l'eau libre, qui se sont mis au travail après les JO, qui ont fait le circuit de la Coupe du monde pendant toute l'année et qui étaient à coup sûr mieux préparés que notre immense champion. Tel Hannibal, le tacticien Oussama a dominé le 5 km, mené de bout en bout, puis porté l'estocade aux derniers 150 m. Aux 10 km, quand le vainqueur grec Gianniotis, entame un sprint de 1 km 200 (?!), le Français Damien Cattin-Vidal «s'occupe» de Mellouli en le collant et en l'empêchant pratiquement de nager, au point «d'exploser» et de finir... 9e. Et dire que seulement 5 semaines aux Pyrénées où il s'est isolé avec son staff ont permis à Mellouli de glaner l'or et le bronze dans le championnat du monde qui se déroule actuellement à Barcelone. Et dire aussi qu'il lui reste encore trois épreuves à disputer le 1.500, le 800 et le 400 m. Et les Jeux olympiques 2016 évidemment. Réactions de Mellouli après ses deux courses 5 km : «Je n'osais pas espérer redevenir champion du monde après la saison que je viens d'avoir. J'ai nagé avec orgueil et détermination. C'est tout simplement magnifique». 10 km : «Je suis très satisfait de ce deuxième podium à 48h d'un 5 km tétanisant. C'est seulement le quatrième 10 km de ma carrière et j'apprend à chaque course. Le Grec a opté pour le repos, alors que j'ai payé cher le fait de voir le Français nager sur moi, ce qui lui a coûté le podium et moi la chance d'aller chercher non second titre. Enfin, n'oublions pas que je viens d'en finir avec les Jeux méditerranéens il y a à peine 3 semaines». Oussama Mellouli : voilà un Tunisien qui met tout le monde d'accord... Et c'est un véritable miracle par les temps qui courent!