L'appel à la chute du pouvoir des Frères musulmans a été la principale doléance des manifestants... Avec l'appui des syndicalistes de l'Ugtt, une manifestation de protestation a démarré hier matin de la place Mohamed-Ali pour s'installer sur l'avenue Bourguiba, avant qu'elle ne rallie Le Bardo pour camper devant l'Assemblée nationale constituante (ANC). Plusieurs citoyens, leaders du Front populaire, dont des élus démissionnaires de l'ANC, ainsi que des représentants de la société civile ont défilé hier matin à l'avenue Habib-Bourguiba pour réclamer la dissolution du gouvernement et de l'Assemblée nationale constituante, et appelant à la chute du pouvoir islamiste. Les leaders de la Centrale syndicale ont affirmé leur soutien à cette manifestation pacifique. Sur une grande affiche collée sur un mur du siège de l'Ugtt on pouvait lire : «Ne touche pas à mon Ugtt, à mon droit syndical et à mon droit à la grève». Portraits de feu Hached, Belaïd collés aux murs de la centrale syndicale et celui du dernier martyr de la Tunisie Mohamed Brahmi brandis, les manifestants n'ont agité aucune pancarte ou drapeau sauf le drapeau national. La marche qui a démarré sur la place Mohamed-Ali vers 11h00 a été appuyée par une autre marche des hommes en robe noire qui ont défilé depuis la Maison de l'avocat à La Kasbah tôt dans la matinée. Les manifestants, quelque trois mille personnes, ont scandé en boucle des slogans à l'instar de : «Brahmi, Belaïd, nous restons sur vos traces», «Après le sang, plus jamais de légitimité à la bande nahdhaouie», «Le peuple veut destituer le pouvoir», «Désobéissance, désobéissance jusqu'à la chute des Frères» ou encore «Ghannouchi assassin». Patience perdue... Prenant la tête de la marche, Chawki Tabib, ancien bâtonnier, a affirmé que l'Ordre des avocats a suspendu sa participation au dialogue national qui «n'a plus de sens dans ce climat d'assassinats politiques». Alors que la marche se déroulait en présence d'un important dispositif sécuritaire, le président de l'Union des diplômés chômeurs, Salem Ayari, a affirmé que le gouvernement et les institutions actuelles ont enregistré souvent des échecs dans la réalisation des objectifs de la révolution et n'ont pu ni assainir le climat politique, ni améliorer la situation sécuritaire et économique du pays. «Nous appelons à un gouvernement de salut. Le processus de transition démocratique n'a pas abouti et il est dans l'impasse. Ce n'est plus une crise. Il faut changer de cap avec notamment un agenda et des dates précises pour contrer Ennahdha qui ne fait que gagner du temps. Un conseil national de salut verra le jour et c'est lui qui va gérer la période à venir de transition démocratique afin de préparer les élections. L'ANC, avec son médiocre rendement, n'a rien donné, ni une Constitution, ni une loi électorale... Il faudra au moins huit mois de préparation logistique pour organiser les élections», a enchaîné Jawhar Ben Mbarek, coordinateur général du réseau Doustourna. Pour sa part, Ahmed Machouch, avocat, a dénoncé la violence qui, selon lui, «est devenue une série parsemée d'assassinats des symboles de l'opposition». L'absence de sécurité, la défaillance du gouvernement dans la gestion de la période transitoire et la responsabilité politique et sécuritaire directe d'Ennahdha dans les assassinats de Belaïd et Brahmi ont été les principales critiques de l'avocat qui affirme qu'une plainte sera déposée contre le ministère de l'Intérieur et ses institutions pour ne pas avoir bien mené les investigations quant à ces deux assassinats. «Nous considérons qu'Ennahdha et ses leaders sont les responsables de cette situation de chaos qui prévaut dans le pays. Voici un message clair pour eux tous pour signaler la prise de conscience du citoyen qui n'avalera plus jamais les présumées raisons qu'ils avancent pour patienter davantage», a-t-il conclu. Au bout d'une heure et demie, une grande partie des manifestants ont pris le chemin de l'ANC où ils sont allés camper appelant à sa dissolution.