«Je dédie cette pièce, remaniée et adaptée à la situation actuelle, aux martyrs de la Tunisie, aux soldats de l'armée tunisienne et à tous ceux qui se sont sacrifiés pour sauver le pays», déclarait en off la comédienne Wajiha Jandoubi, avant de monter, jeudi dernier, sur la scène du coquet théâtre de plein air du Centre culturel de Hammamet, pour présenter sa toute dernière pièce «Ifcha, (laide), mon amour». Ce one woman show est un monologue qui relate la vie d'une drôle de femme tunisienne qui s'est réveillée un jour avec des poils partout. Cherchant un remède efficace contre cette atrocité physique, elle nous emmène dans des situations comiques et des aventures hilarantes. Dans son périple, elle rencontre des personnages de toutes les catégories sociales tunisiennes : la grande bourgeoisie, la classe moyenne, les démunis avec leurs traits de caractère spécifiques, de plus en plus révélés, surtout après la révolution et le chaos qui s'en est suivi, dans le pays. Durant toute sa quête d'un remède pour combattre les poils qui envahissent tout son corps, la comédienne, dévoile d'une manière fort humoristique, avec un jeu de mots inspiré et acerbe, ainsi qu'une emphase dans les gestes, les maux d'une société en souffrance, à travers une galerie de personnages typiques. On la voit assister à des sit-in, devant les ministères, entrer en contact avec des associations qui ont émergé après le 14 janvier, subir l'amertume désespérée du loubard weld el houma (voisin de quartier), les conseils hypocrites de la fausse «repentie», convertie dans l'éducation religieuse... Ifcha mon amour est, en fait, une quête identitaire pleine d'humour et de désillusions. Elle est la recherche d'un soi propre, dans un environnement qui reste cher et déterminant, malgré tous les maux qui le rongent. Une Tunisie qui s'évertue à se trouver de nouveaux repères, à reconstruire l'édifice de ses structures, de son identité, de ses spécificités. La pièce jette un regard critique sur l'obscurantisme et sur l'hypocrisie sociale, évoque les problèmes du chômage, de la misère et de la galère quotidienne du citoyen tunisien. Elle aborde également des sujets d'actualité qui nous poussent à réfléchir quant à l'avenir du pays. Une belle performance théâtrale signée Chadly Arfaoui, avec une Wajiha Jandoubi splendide par son entrain, son charisme, sa technique et son dynamisme qui lui ont permis de passer aisément d'un personnage à un autre et de nous renvoyer une image, certes caricaturale mais réelle, d'une Tunisie en pleine métamorphose.