Des trafiquants d'armes et de drogue derrière toutes les transactions, alors que la Tunisie compte, selon l'ONU, parmi les douze pays les plus touchés par ce phénomène Que n'a-t-on pas dit et imaginé sur cette incroyable invasion des armes libyennes en Tunisie ? Et alors que nos services de sécurité continuent de vraiment tout tenter pour espérer élucider cette énigme, à la faveur d'un suivi de tous les instants accordé à chaque opération de saisie, de nouvelles révélations ne cessent d'être annoncées, ce qui est de nature à raccourcir le chemin conduisant à la démystification entière de ce phénomène. La plus fraîche est venue conjointement de l'ONU et de services de renseignements occidentaux. En effet, dans un rapport «new-new» rendu public récemment, des experts mandatés par l'instance onusienne ont, au terme d'une enquête harassante, abouti à la conclusion que des jihadistes et trafiquants d'armes de différentes nationalités ont profité du chaos qu'a connu la Libye au lendemain de la révolution pour faire main basse sur une importante quantité du redoutable arsenal militaire de l'ex-dictateur Gueddafi. Le «butin», dont des armes sophistiquées, sera acheminé, révèle le rapport, dans pas moins de 12 pays dont la Tunisie, avec la part du lion pour le Mali, l'Algérie, l'Egypte, le Niger, la Somalie, le Yémen et la Syrie. La précieuse marchandise volée est entassée dans des dépôts éparpillés un peu partout en Libye, et plus particulièrement dans les villes de Misrata, Benghazi et Zentène, avant d'être expédiée clandestinement vers les pays preneurs. Les rédacteurs dudit rapport, tout en déclenchant la sonnette d'alarme, ont avoué que ce phénomène a pu, contre toute attente, déjouer la rigidité de l'embargo imposé par l'ONU sur ce pays en 2011. Autant dire qu'il s'agit de réseaux de trafiquants solidement structurés et qui auraient bénéficié, au plus fort de la révolution, de la complicité d'autres parties alors au pouvoir. La Tunisie, via le Sahara Parlant de la Tunisie, le rapport onusien révèle que les armes y passent, via le Sud tunisien, et particulièrement par les zones sahariennes séparant la Tunisie de l'Algérie et de la Libye. Et de préciser que, contrairement à d'autres pays dits de transit, la Tunisie reçoit ces armes à la demande du mouvement jihadiste d'Ansar Echariaâ. Les passeurs sont généralement de nationalité libyenne, essentiellement de jeunes trafiquants apolitiques qui ne cèdent qu'au plus offrant. Et c'est vrai. D'autant plus vrai que les enquêtes et les investigations menées au sujet de ces trafiquants arrêtés dans nos murs ont prouvé, au bout du compte, que ces derniers n'ont aucun lien avec les mouvements terroristes. Une question s'impose alors : pourquoi la Libye n'a pas hésité, au début de l'année en cours, à creuser un tunnel long de 174 km à ses frontières avec le Mali, le Niger et le Tchad pour faire barrage aux infiltrations des trafiquants et contrebandiers, tout en omettant (refusant ?) d'en faire de même pour ses frontières, pourtant très sollicitées par ce phénomène, avec la Tunisie ? Drogue contre armes Par ailleurs, et comme chacun a ses folies, il s'est avéré que les armes prohibées s'amènent aussi en Tunisie par d'autres voies non moins diaboliques. En effet, un rapport établi récemment par les services de renseignements américains et espagnols révèle qu'une partie du trafic des armes embrasant les pays de l'Afrique du Nord est circonscrit dans le Sahara algérien. Là où des réseaux étrangers échangent stupéfiants contre armes, sous l'œil attentif d'Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique). Ce trafic, affirme le rapport, ne cesse de prospérer, à coups de millions de dollars générés par les transactions, et cela en dépit de certains revers douloureux dont l'arrestation, le 21 mars dernier en Algérie, de deux Colombiens et trois Algériens à la solde d'Aqmi. C'est pourquoi, on l'a dit et on ne le dira jamais assez : seules des frontières bien gardées et imperméables peuvent contribuer à l'éradication de ce phénomène. En est-on vraiment conscient ?