Les derniers bouleversements intervenus au Mali dans le sillage du coup d'Etat contre le régime du président Amadou Toumani Touré, se sont révélés d'une gravité sans précédent non seulement pour le Mali mais aussi pour toute la région sahélo saharienne et le Maghreb. Les risques d'embrasement de la région n'ont jamais été aussi sérieux qu'aujourd'hui. Les phénomènes de la circulation des armes et des trafics en tout genre vont se multiplier davantage dans la région aggravant ainsi les risques d'attentats terroristes. La Tunisie concernée La Tunisie qui était jusque-là relativement épargnée s'est retrouvée à la croisée des chemins face à ces menaces. Ainsi elle est devenue plus que jamais concernée par l'insécurité qui règne dans la bande sahélo saharienne. Il ne s'agit plus de risques lointains mais les menaces se précisent davantage et le danger se rapproche rapidement du pays. Plusieurs responsables au plus haut niveau ont fait part de ces inquiétudes eu égard à la situation en Libye avec l'insécurité, la circulation des armes et la fragilité du pays après la révolution. A cet égard, le président Moncef Marzouki a souligné, lors de sa première participation au sommet de l'Union Africaine (UA) en janvier 2012 à Addis-Abbeba en Ethiopie, la nécessité de la coopération avec les pays de la bande sahélo saharienne pour juguler le phénomène d'insécurité grandissant dans la région. Ces inquiétudes se sont renouvelées à la faveur des derniers événements au Mali et ont été exprimées par Rafik Abdessalem, ministre des Affaires étrangères qui a appelé à une concertation avec l'Algérie pour circonscrire les effets de l'insécurité qui sévit au Nord du Mali. L'Azawad, un vivier du terrorisme Mais auparavant, il est nécessaire d'évoquer la portée des changements intervenus au Mali et leurs répercussions sur la région et par conséquent sur la Tunisie. En effet, la proclamation de l'autonomie de l'Azawad, région du Nord du Mali, va soumettre une large bande géographique aux extrémistes d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) qui la transformeront en un sanctuaire leur servant de base arrière pouvant accueillir tous les terroristes de la nébuleuse à travers le monde. La connivence entre les Touaregs maliens et les éléments d'AQMI n'est plus à démonter. Ils ont coopéré par le passé dans le but, pour les premiers, de mener une guérilla et, pour les seconds, de se dissimuler des traques menées par la France et la Mauritanie et les pays de la région. Touaregs et éléments d'AQMI ont tous deux formé une alliance pour contrôler le Nord du Mali. Cette situation va favoriser la formation de groupes terroristes et le développement du trafic d'armes et de drogue à une plus large échelle. Multiplication des risques au Maghreb Les inquiétudes des autorités des pays du Sahel et du Maghreb arabe à l'égard du danger en provenance du Sahel ne sont pas récentes mais ont commencé à apparaître avec le conflit en Libye qui a donné naissance au phénomène de circulation des armes dans la région. D'ailleurs, ce conflit en Libye n'a fait qu'aggraver des situations d'insécurité insidieuse auxquels sont confrontés quotidiennement les pays du Maghreb notamment, les réseaux de contrebande et de traite humaine à travers le désert. Conscients de ces dangers incarnés par le Mali, l'Algérie, le Niger et la Mauritanie ont formé une alliance dans le cadre de la Commission conjointe des chefs d'état-major de la région du Sahel (CEMOC) pour mener des opérations militaires contre AQMI. AQMI a procédé à de nombreuses prises d'otage dans la région et mené des opérations militaires contre la Mauritanie, l'Algérie et le Niger. Mais face aux réactions musclées de l'Algérie, les éléments de l'AQMI dans ce pays ont été obligés de se replier dans le désert malien plus propice étant donné le manque de moyens militaires des autorités de Bamako. Aujourd'hui, avec ce regain de tension et la détérioration de la situation sécuritaire dans le Nord du Mali à la faveur de la victoire des Mouvements séparatistes Touaregs, la menace devient plus grande et l'urgence se fait plus vive. Un nouveau défi pour la Tunisie Pour la Tunisie, il s'agit d'un nouveau défi dont les prémices étaient apparues après la révolution avec plusieurs accrochages armés sur son sol impliquant des groupes terroristes contre les forces armées. Ces accrochages armés qui ont eu lieu dans le nord-ouest et le sud du pays démontrent les dangers en provenance de l'Algérie et de la Libye. Si la jonction est faite, aujourd'hui, entre les éléments d'Al-Qaïda en Libye et ceux d'AQMI basés dans le désert malien, cela accroîtra, selon les observateurs les risques de prolifération d'armes sur le sol tunisien. Pour de nombreux analystes, l'affaire de Bir Ali Ben Khalifa est une preuve sans équivoque que de nombreuses armes ont été introduites en Tunisie et que les quantités exactes ne sont pas connues. Les autorités savent que des armes en provenance de Libye circulent actuellement dans le pays et sont cachées quelque part chez des individus qui échappent à toute surveillance sécuritaire. La découverte, ces derniers jours, d'un trafic d'armes à Benguerdane et les menaces contre la journaliste Rim Bouguerra pour avoir révélé cette affaire sont des preuves supplémentaires des risques encourus par le pays en rapport avec le trafic d'armes qui s'épanouira à la faveur de l'autonomie de l'Azawad au Mali. La montée de l'islamisme Dans le sillage de la révolution tunisienne du 14 janvier, la liberté retrouvée dans le pays a permis à de nombreux islamistes qui étaient bannis sous l'ancien régime de revenir. Parmi ceux qui sont revenus, certains ont combattu dans les rangs d'Al-Qaïda, d'autres se sont rendus dans des foyers de tensions en Irak, en Afghanistan et en Bosnie-Herzégovine. Certains n'hésitent pas à affirmer que la montée du salafisme et le retour de certains de leurs leaders controversés en Tunisie, représentent des facteurs favorables à des actions violentes dans le pays. Les déclarations de certains salafistes, les menaces et les violences exercées contre des personnalités politiques du monde artistique, de la presse et des intellectuels dévoilent un risque majeur de glissement vers la violence organisée. Pour ces analystes, cette situation conjuguée à l'insécurité découlant de l'existence d'un no mans land au Mali où la loi est imposée par des extrémistes de l'AQMI constitue un risque réel pour la Tunisie qui ne doit pas être pris à la légère. L'expérience a montré que la lutte contre le terrorisme est ardue, coûteuse et pleine de surprises. Les échecs subis par les grandes puissances telles que les Etats-Unis, la Russie et la France sont des exemples pertinents sur la nécessité de prendre au sérieux ces risques imposés par ces nouvelles donnes au Mali mais aussi en Libye. Des campagnes de prévention sont nécessaires en opérant des filatures et des coups de filet dans les milieux islamistes. En effet, une fois que le mal s'est installé, il est difficile de l'éradiquer.