Dans la tourmente que vit le pays depuis l'assassinat du constituant Mohamed Brahmi le 25 juillet dernier et parallèlement aux tractations qui se poursuivent encore entre la Troïka et le quartet parrainant le dialogue national, les constituants légitimistes (ceux qui n'ont pas déserté l'hémicycle de l'ANC au Bardo) ne sont pas restés les bras croisés. Ils sont allés jusqu'à la formation d'un front parlementaire pour l'accélération du processus transitoire comprenant les constituants d'Ennahdha, du CPR, d'Ettakatol, de Wafa, de Tayyar Al Mahabba, du Courant démocratique (parti dirigé par Mohamed Abbou). Leur objectif était de tout faire pour que l'ANC reprenne ses travaux suspendus le 6 août dernier sur décision de Mustapha Ben Jaâfar, président de la Constituante, suspension qui devrait être levée une fois le dialogue national aura démarré ses travaux. Seulement, la dissension n'a pas attendu beaucoup pour s'installer au sein de ce front. L'on apprend, en effet, que les représentants du CPR, d'Al Mahabba, de Wafa et du Courant démocratique ne veulent plus de la présence des constituants nahdhaouis au sein du front en question. «Nous soupçonnons Ennahdha d'avoir conclu un marché secret avec Nida Tounès dans le cadre des tractations en cours en vue de la résolution de la crise bloquant le pays depuis plus d'un mois», confie à La Presse l'un des initiateurs du front. Et la division d'éclater, hier, au sein de l'ANC. En effet, deux réunions se sont tenues au Bardo. La première a réuni le groupe parlementaire d'Ennahdha à la suite de laquelle Walid Bennani a annoncé que les constituants d'Ennahdha observeront aujourd'hui un sit-in devant le bureau de Mustapha Ben Jaâfar pour l'inciter à faire reprendre les travaux de l'ANC. Bennani menace également d'un sit-in à l'ANC au cas où Ben Jaâfar continuerait à faire la sourde oreille aux demandes des constituants. Il n'a pas manqué, aussi, de dénoncer le soutien de certains parlementaires français aux sit-inneurs d'Errahil, soutien qu'il assimile à une intervention inacceptable dans les affaires intérieures de la Tunisie. Une séance plénière exceptionnelle, en perspective Quant à la deuxième réunion, elle a été tenue par les chefs des groupes parlementaires du CPR, de Tayyar Al Mahabba, du Courant démocratique et de Wafa. Saïd Kharchoufi, constituant (Tayyar Al Mahabba) précise: «Nous avons préparé une pétition signée par 77 constituants demandant au Dr Mustapha Ben Jaâfar la convocation d'une séance plénière pour aujourd'hui mardi 3 septembre 2013. Cette pétition a été transmise, vendredi dernier, au secrétariat du président de la Constituante. Nous attendons toujours sa réponse. Aujourd'hui, (hier) nous avons tenu une réunion au niveau des chefs des groupes parlementaires (CPR, Al Mahabba, Wafa, Courant démocratique) et nous avons décidé d'entrer en sit-in en vue de protester contre les concessions que la Troïka semble sur le point d'offrir au quartet parrainant le dialogue national, aux dépens de la petite constitution qui est en train d'être bafouée aussi bien par les partis de l'opposition que par ceux au pouvoir». Notre source ajoute : «Notre sit-in sera organisé même au cas où Mustapah Ben Jaâfar consentirait à convoquer la séance plénière exceptionnelle que nous réclamons. Plus encore, nous sommes en train de mettre au point notre propre initiative qui sera annoncée ce mardi 3 septembre. Elle s'articule sur trois axes : la non-dissolution du gouvernement, le maintien de la Constituante avec des prérogatives initiales et la neutralité de l'administration et des mosquées». Interrogé sur le retour à l'ANC des constituants du Mouvement du Tunisien pour la liberté et la dignité, Kharchoufi indique : «Certains sont retournés, d'autres hésitent encore. D'autre part, je tiens à faire remarquer qu'il n'y a pas de suspension effective des travaux de l'ANC puisqu'il n'y a ni document administratif ni décision écrite et signée par Ben Jaâfar justifiant cette suspension. D'ailleurs, la commission des compromis a poursuivi ses réunions mais sans parvenir à des accords sur les points en litige dont principalement les attributions qui seront accordées dans la future Constitution au président de la République. Quant aux commissions législatives, elles doivent reprendre ce matin leurs réunions en vue d'examiner les projets de loi qui leur sont soumis».