En dépit des arrestations subies dernièrement dans ses rangs, la nébuleuse d'Al-Qaïda demeure potentiellement très menaçante dans nos murs. Trêve de triomphalisme Tant qu'on n'a pas tout fait, on n'a rien fait, dit un adage qui illustre parfaitement la gestion actuelle de la lutte contre le terrorisme en Tunisie. Bien évidemment, on peut toujours jubiler à chaque coup de filet et sauter de joie à la moindre prometteuse perspective d'entrevoir le bout du tunnel. Matériellement, le bilan réalisé jusqu'à présent est loin d'être maigrichon, avec, à la clé, de nombreuses arrestations, d'importantes saisies d'armes et moult caches et caves de terroristes découvertes. Voilà des points marqués et c'est au moins ça de gagné. Soit. Mais, de là à céder au triomphalisme, à verser dans l'euphorie et à croire que le match est terminé, c'est carrément creuser sa propre tombe, tout simplement, car la suite de la lutte contre le terrorisme s'annonce, qu'on le veuille ou pas, autrement plus ardue et, pour ne pas être pessimiste, des plus sanglantes. Les Américains, la superpuissance dans le monde, en savent quelque chose. Eux qui en ont fait l'amère expérience (que de pertes humaines) tant en Afghanistan qu'en Irak, au Yémen, au Pakistan, ou au Liban, etc. Au point qu'un ex-agent de la CIA a avoué que «le combat contre le terrorisme intégriste est plus difficile que le combat contre un cancer». Plus, les yankees ont mis plus de 20 ans pour se débarasser de Ben Laden, sans pour autant parvenir à en finir, une fois pour toutes, avec Al-Qaïda, la «centrale» de Ansar Echaria. Tout près de nous, l'Algérie a dû, pour sa part, attendre une bonne décennie pour se défaire des terroristes, non sans avoir recensé quelque 200 mille tués! Aujourd'hui encore, Al-Qaïda continue, mine de rien, de frapper un peu partout dans le monde, forte d'une organisation rigoureuse, d'une forte expérience et d'une extraordinaire capacité dans les domaines de la mobilisation des hommes et de l'acquisition des armes. Dans cette organisation ultra-secrète et jamais... en panne d'imagination, les revers se font vite oublier, les ripostes ne tardent pas et un Ben Leden en appelle un autre... Liste incomplète Tout cela pour dire que les dernières révélations données par Ali Laârayedh et son ministre de l'Intérieur laissent un goût d'inachevé. En effet, à quoi bon identifier un terroriste sans le capturer ? Pourquoi les commanditaires courent-ils encore ? Où sont les armes circulant toujours dans le pays ? Pourquoi la bataille de Jebel Chaâmbi s'est éternisée à ce point ? A-t-on idée de ce qui se passe et se trame en ce moment dans d'autres monts et cités populaires ? Qu'a-t-on fait pour la «désalafisation» du reste de nos mosquées ? A-t-on élucidé l'énigme de la présumée police parallèle et celle d'une éventuelle implication de politiciens et de cadres sécuritaires dans la spirale terroriste qui a embrasé le pays ? Pourquoi le «mutisme officiel» continue d'envelopper le dossier, non moins brûlant, d'Abou Iyadh, un enfant «gâté» d'Al-Qaïda? Et puis, la dernière : pourquoi le juge d'instruction a récemment ordonné la libération de terroristes dont la culpabilité a été pourtant établie lors de leurs interrogatoires par les services du ministère de l'Intérieur ? Autant de zones d'ombre «têtues» qui prouvent au moins deux choses, à savoir : 1- La force de frappe des terroristes est loin d'être cisaillée. 2- Les méthodes de traque jugées improductives jusqu'ici devront obligatoirement et urgemment changer. Et cela dépendra d'abord d'une volonté politique courageuse et impartiale, et ensuite d'une restructuration de fond en comble des services de renseignements sur le «déficit»» desquels on n'épiloguera jamais assez. Menaces potentielles Si nous insistons sur ces deux facteurs que nous partagent plusieurs sources sécuritaires averties, c'est parce que les menaces d'Ansar Echaria demeurent potentiellement très sérieuses. En effet, selon un rapport établi récemment par des services de renseignements occidentaux et relayé par ceux de l'Algérie, un nouveau pacte vient d'être scellé en Libye sous l'appellation «Al-Mourabitoun», réunissant en son sein deux mouvements d'Al-Qaïda sévissant entre l'Afrique du Nord et l'Ouest africain. Chapeauté par l'inévitable Abdelmalek Droukdal, l'homme fort d'Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) et très proche du successeur de Ben Laden, Aymen Al-Dhawahri, ledit pacte tire sa force de la présence d'ex-caïds ayant longtemps combattu en Afghanistan, flanqués de milliers de jihadistes dont des Yéménites, des Libyens, des Algériens, des Egyptiens et... des Tunisiens, tous rodés, révèle le rapport, aux attentats, au maniement des armes, aux kidnappings (contre rançons) et au trafic de drogue (contre armes). Mais, le plus grave est que cette nouvelle équipe de tueurs sauvage envisage, affirme le même rapport, de perpétrer des attentats qu'elle veut «retentissants» aussi bien en Afrique du Nord (Tunisie, Algérie, Maroc, Mauritanie et Libye) qu'en Egypte et dans le Sahel africain. Ça et là, des objectifs stratégiques dont des édifices publics et des intérêts occidentaux auraient été d'ores et déjà définis «pour être pulvérisés», promettent-ils, et ce, à l'occasion... de la célébration du 12e anniversaire des attentats du 11 Septembre !