Cette figure nationale du djihad global (prédication et jihad) qui a côtoyé les plus grands idéologues de la mouvance Al Qaïda, d'Abu Qatada à Abu Mossab Zarkaoui, et a récolté les bonnes appréciations de ses leaders, Oussama Ben Laden, rencontré une fois et Ayman Dhawahri, à deux reprises, continue à défrayer la chronique. Mais comment Saïfallah Ben Hassine, alias Abou Yadh, arrive-t-il aujourd'hui à fédérer les «Ansar Echariaâ», aile tunisienne d'Al Qaïda, et à tromper la vigilance de ses traqueurs, s'il en est, en courant toujours, en dépit des multiples chefs d'accusation retenus contre lui ? Poursuivi par les services de renseignements de Ben Ali, réfugié au Maroc en 1991 puis à Londres en 1994, où il demande l'exil politique, et devient le fervent disciple du Saoudien Zoubeïr Al Hairi avant de partir au front en Afghanistan où il bénéficie d'un entraînement militaire poussé dans le cadre de formations qataries opérant sous couvert d'Al Qaïda. Dès 2000, il crée le groupe «Combattants tunisiens», organisation classée terroriste par le Conseil de Sécurité des Nations unies, dont il est l'émir et qui fournira des jihadistes à l'Irak et l'Afghanistan en attendant d'instaurer un modèle islamiste en Tunisie. Son périple le mène de Pakistan en Syrie et son expérience de terrain en matière d'organisation, de coordination et de gestion de groupes jihadistes lui permet d'établir des stratégies minutieuses et de longue durée. Arrêté en septembre 2003, en Turquie, il est expulsé en Tunisie où il est inculpé de haute trahison et d'appartenance à Al Qaïda et d'autres groupes terroristes opérant à l'étranger. Cumulant des peines de 68 ans, condamné à plus de 40 ans de prison ferme dont il ne passera que 8 au total, avant d'être gracié en mars 2011. Ce sont ces huit années d'incarcération doublées de cercles de prédication d'un redoutable chef politique et imam charismatique qui vaudront à la Tunisie de couver, à même ses prisons, l'aile la plus radicale du jihadisme international : Ansar Echariaâ, dont il sera publiquement le chef jusqu'à son entrée en clandestinité au lendemain de l'attaque de l'ambassade des Etats-Unis, en septembre 2012. Echappant une première fois à la descente des policiers venus l'arrêter chez lui, il est encerclé trois jours après, suite à un prêche enflammé à l'intérieur de la mosquée El Fath, par la police qui recevra l'ordre de se retirer... A nouveau accusé par le chef du gouvernement suite aux événements de Chaâmbi et de Kairouan, Abu Yadh n'en finit pas de fuguer. Sur ses disciples et ses fidèles partisans, ses fréquents vidéos et supports sonores continuent à exercer la même persuasion et le même charme envoûtant dont tous ses proches s'accordent à dire qu'ils viendraient simplement de sa Voix...