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Derrière le voile, la prostitution
Jihad nikah en Syrie
Publié dans La Presse de Tunisie le 26 - 09 - 2013

Elles sont rentrées le ventre en avant, la face dissimulée sous un rideau noir. Les jihadistes tunisiennes du Nikah, ces promises aux mariages répétitifs et temporaires, sont retournées au pays avec quelque chose de perdu, qu'il sera difficile de retrouver : la dignité !
Toute l'histoire commence par une Fatwa, reniée par la suite, attribuée au prédicateur saoudien Mohamed El Arifi, qui aurait déclaré ouverte la guerre sainte du sexe. Un avis juridique censé s'appuyer sur les textes sacrés, selon lequel les musulmanes, âgées de quatorze ans et plus, peuvent bénéficier de ce privilège suprême; participer aux guerres, qui conduirait droit au paradis. Par la voie du procédé analogique, « el quiess », partir en Syrie assouvir le désir sexuel des combattants du Sham serait ainsi recommandé. La Fatwa préconise d'entretenir la vaillance de ces jihadistes multinationaux, mobilisés dans cette « guerre sainte », pour faire tomber Bachar El Assad, « le dictateur mécréant ».
Nos jeunes concitoyennes se sont retrouvées au cœur de cette machination, pour être expédiées vers la Syrie par des opérations minutieusement montées depuis le sol national, via la Libye ou la Turquie. A ce jour, personne n'a le nombre exact de celles qui sont parties, de celles qui sont rentrées, celles qui seraient mortes, ni de celles qui seraient encore là-bas. Pour l'heure encore, les Tunisiennes sacrifiées sur l'autel des calculs géopolitiques et de bien d'autres besoins d'ici-bas représentent une valeur inconnue se refusant à toutes statistiques vérifiables. Des filles issues, pour la plupart, des classes déshéritées, habitant des quartiers périphériques des grandes villes et des régions de l'intérieur du pays. Des laissées pour comptes, des fragiles, des crédules, des adolescentes. Toutes auraient pour dénominateur commun, l'indigence sous toutes ses coutures.
Qu'en pense la religion ?
Férid El Béji, homme de religion, bien connu pour ses positions à contre-courant de la tendance actuelle, annonce catégoriquement l'inexistence du principe de jihad nikah dans l'islam. L'imam, très médiatisé, explique que « la plupart des jurisconsultes sunnites se sont accordés sur le fait que le mariage temporaire sans la « idda » (période d'attente pour la femme de trois mois et 10 jours, qui intervient après la mort du mari ou bien après la séparation) est interdit. De plus, a-t-il étayé : tous les textes sacrés requièrent le principe de la durabilité dans les contrats de mariage, en plus de la publicité, la présence de la famille et du tuteur ( El walii). Toutes ces conditions ne sont pas respectées dans ce qu'on appelle le jihad nikah qui est associé à l'union du plaisir, « zaouaj El mottaâ », s'est-il insurgé. De plus, a-t-il rappelé, les quatre écoles juridiques (malékite, hanafite, hanbalisme, chafiite) s'accordent sur un fait que lors de la conquête de « Khaibar », le prophète a formellement interdit le mariage du plaisir, même pendant les guerres. Par conséquent, cette forme d'union est interdite. La pérennité de l'union est un élément capital. Il faut y croire en son âme et conscience. Si on se mariait avec une femme avec l'idée secrète ou annoncée de se séparer d'elle bientôt ou même après longtemps, c'est prohibé par l'Islam », a-t-il conclu, ferme.
Le mal remonte à loin
Tous les imams ne sont pas de cet avis. Dans une totale impunité, des prédicateurs locaux et étrangers ont fait l'apologie dans des prêches enflammés du jihad en Syrie. Des associations aux orientations bien connues s'activaient dans les quartiers, au vu et au su de tous, auprès des jeunes. Et pour que la boucle soit bouclée, de hauts dirigeants politiques légitimaient l'implication des Tunisiens dans cette guerre qui n'est pas la leur. Un illustre proche du parti majoritaire au pouvoir, Najib Karoui, avait déclamé, le sourire aux lèvres, l'air convaincu, sur un plateau de Tounssia, le droit de ces jeunes de participer à ce jihad des temps modernes : « Ils sont majeurs et vaccinés, s'ils ont choisi de partir en Syrie, ils ont le droit de le faire ». On avait commencé, de fait, par enrôler les jeunes gens, les jeunes filles ont été appelées en seconde étape.
Le sursaut national a eu lieu après la déclaration du ministre de l'Intérieur à l'Assemblée le 19 septembre dernier. Et ce fut un tollé général. Les propos de Lotfi Ben Jeddou ont provoqué un choc traumatique chez une bonne partie de la population. Depuis, les réactions se sont enchaînées. Mais le pire est à venir, l'information s'est propagée comme une traînée de poudre dans le monde. Les organes de presse arabes et occidentaux l'ont massivement reprise.
Les femmes tunisiennes, citoyennes fières de l'être, femmes libres et émancipées, bénéficient d'un statut unique dans le monde arabe. Les Tunisiennes rivalisent en droit avec celles des démocraties constituées. Les Tunisiennes présentes dans tous les champs d'activité, tous les secteurs de métiers, plus nombreuses que leurs confrères médecins, professeurs, avocats, magistrats, seraient assimilées par un rapide raccourci mental aux esclaves sexuelles.
Quelles sont les motivations ?
La sociologue Fethia Saïdi nous présente son analyse : « Ces filles sont des victimes de l'inconscience, de la pauvreté, du matraquage idéologique. Mais il faut faire une distinction entre les tranches d'âge. Les jeunes filles adolescentes, dont l'âge se situe entre 13 et 22 ans, vivent une crise d'identité qui les pousse à faire des recherches de soi. En conséquence, les jeunes de cet âge, soit elles s'orientent vers l'affranchissement des normes sociales, soit elles se replient. Cette dernière attitude favorise le rapprochement vers la religion. Et c'est cette tranche d'âge qui est fragile et crédule. Les 22-30 ans et plus sont davantage poussés par la précarité, en plus de la frustration sexuelle. Le taux de célibat est très élevé en Tunisie et du chômage aussi », explique pour sa part l'universitaire, qui a lancé un appel aux structures concernées pour prendre en charge ces revenantes. « Il faut désormais accepter le fait que ces femmes enceintes entrent dans la catégorie des mères célibataires qui ont été fortement stigmatisées par certains députés, hommes et femmes. En outre, il faut un traitement juridique en rapport avec le droit de l'enfant. La loi 1998 du Code de la protection de l'enfant donne le droit à l'enfant d'avoir un nom de famille. Pour le reste, il faut criminaliser les auteurs de ces fatwas, les réseaux et tous ceux qui ont participé de près ou de loin à l'envoi des filles. Il faut les punir socialement, mais il faut que la justice prenne ses droits également».
Adoption
Pour sa part, la psychanalyste Raja Ben Slama pense qu'il y a une sorte d'explosion de « débauche sexuelle». Et d'ajouter : « c'est une sorte de révolution sexuelle qui porte la marque de la religion. D'après les témoignages que j'ai obtenus, je vois dans ces pratiques des fantasmes sexuels assouvis de cette manière-là ». L'universitaire a conclu par une interpellation sur le thème de l'adoption : « Je tiens à rappeler la contradiction de ceux qui étaient contre l'adoption, Habib Ellouze, entre autres. Ils ont compris la valeur de l'adoption pour ces enfants à naître. C'est maintenant qu'il se présente pour se dire prêt à adopter ces enfants et leur donner son nom », a-t-elle regretté.
La question insistante qui se pose maintenant : pourquoi a-t-on laissé faire ? Si on voulait participer à l'imaginaire du complot mondial, on dirait que cette diabolique machination a été orchestrée pour saper le moral des femmes tunisiennes, et par là de l'ensemble du peuple tunisien. Ce peuple, si fier de ses acquis, si jaloux de ses droits, si différent du reste, si indomptable, il faudra le frapper là ou réside l'essentiel de son patrimoine historique, sociétal, culturel et, enfin, juridique. Dernière question : pourquoi n'a-t-on pas, au moins, enseigné à ces filles comment se protéger ? Pourquoi ne les a-t-on pas prévenues des risques de maladies vénériennes, quand les risques de grossesse étaient évidents ? N-a-t-on pas planifié volontairement pour aboutir à cet état de fait ? Des Tunisiennes rentrées au pays, couvertes de noir et de honte, portant des enfants aux pères inconnus, aux nationalités confondues ? Il faudra bien un jour qu'on nous explique...


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