Par Azza FILALI De retour de Syrie, cent jeunes Tunisiennes sont revenues au pays enceintes. Parties soit en tant qu'épouses légales, soit après le fameux «zaouaj el mottaâ», soit tout bonnement après avoir été endoctrinées au sein de certaines mosquées. Les voici au pays et le tollé est général, mais celui-ci surgit trop tard alors que bien des étapes ont eu lieu sans déranger quiconque : la persuasion des jeunes femmes, leur départ, les abus qu'elles ont subis et ce statut de future mère qu'elles n'ont sans doute pas choisi. A chacune des étapes on trouve des coupables impunis : impunis les époux qui les ont vendues comme du bétail pour satisfaire un autre bétail... Impunies les instances qui ont permis leur départ sans qu'aucune structure n'ait réagi : le ministère de la Femme n'a pas bougé, les mosquées ont fait l'apologie du «djihad ennikah». Impunis, les guerriers de Dieu qui ont eu l'inhumanité de satisfaire leur plaisir aux dépens de victimes inconscientes, ou si endoctrinées qu'elles se croyaient sur le chemin vers le paradis. Les voies du Seigneur sont décidément impénétrables surtout lorsqu'il s'agit de violer des innocentes ! Aujourd'hui, tout le monde crie au scandale, à la honte, les citoyens, effarés, découvrent que des réseaux de prostitution, enrobée de religiosité, existent même en Tunisie, au Djebel Chaâmbi notamment, mais pour ces femmes et ces filles les dégâts sont considérables. Elles ont été atteintes dans leur chair et leur dignité d'êtres humains et aucune mesure à l'égard des enfants à naître ne saurait effacer de tels préjudices. Par-delà ce malheur qui affecte des femmes tunisiennes (et à travers elles des familles entières), le problème soulevé ici est celui de la totale inconscience de ces femmes par rapport à leur corps : elles l'ont si aisément offert qu'il est manifeste qu'elles ne le sentent pas comme leur bien le plus précieux. Aimer son corps, le respecter, tout cela est le fruit d'un apprentissage que la famille, l'éducation, sont tenues de fournir. Force est de constater que les jeunes tunisiennes sont livrées à elles-mêmes et qu'en fait d'éducation, elles ne bénéficient souvent que de feuilletons sirupeux que diffusent certaines chaînes étrangères et même tunisiennes dans lesquelles la femme est cette odalisque qui attend le bon vouloir de son seigneur et maître; sans compter les émissions d'endoctrinement religieux, où des jeunes filles, vierges sous tout rapport, apprennent à obéir et à ne pas exister par elles-mêmes. Autre lacune et non des moindres : l'absence du sens de responsabilité de la femme à l'égard d'elle-même. Etre responsable de soi, c'est répondre soi-même à une offre que l'on vous fait; cela suppose une autonomie et une maturité de décision. Où sont-elles ? Là encore du travail était à faire et a cruellement fait défaut à ces jeunes femmes. Un travail que les parents, l'école, puis la société se doivent d'inculquer. Mais que les parents soient psychorigides, que l'école soit momifiée par des enseignant(es), eux-mêmes moulés dans l'obéissance et inconscients de leur corps, où donc se fera cette nécessaire éducation ? Bien du chemin reste à faire dans l'acquisition par la femme tunisienne de son autonomie de décision et de la prise de conscience de son corps. Les jeunes femmes, qui se sont offertes aux «valeureux» soldats en Syrie, tiennent plus de l'enfant que de la femme. Dans ce sens, le «jihad ennikah», exercé à leur encontre, s'apparente plus à un acte de pédophilie qu'à une relation sexuelle. Décidément, le repos de ces «guerriers» était d'une infâme bassesse !