Jihad ennikah est un terme qui nous était inconnu, qu'on a découvert avec les premiers signes de liberté et qui a fini par se répandre d'une manière inquiétante. Cependant, la situation a dépassé, depuis peu, l'inquiétude face à un phénomène qu'il était difficile de cerner pour devenir un véritable fléau que l'on ne cache plus, même à l'échelle officielle. Dans le Coran, nombreuses sont les allusions à la sexualité. Il s'agit de versets ayant certainement pour finalité première de réglementer la vie humaine, de jalonner les pratiques quotidiennes et de mettre en place un système de récompense et de sanctions afin d'instaurer un code pour distinguer le bien du mal. Un manichéisme très particulier qui profite désormais à de nouveaux commerçants du sexe, prônant l'islam radical et pratiquant, quasiment la débauche. Le terme Jihad ennikah a fait une rentrée progressive en Tunisie. Le jihad en lui-même était un phénomène nouveau et dont l'ampleur n'a cessé de grandir depuis les soubresauts que connaît la scène politique syrienne. Jihad ennikah est une variante de ce jihad, une sorte de don de soi pour une cause rattachée au divin, mais un don au propre et non au figuré. Il s'agit en effet d'offrir son corps aux combattants pour des ébats sexuels capables de les aider à être plus efficaces sur le terrain. Alors que les pratiques sexuelles hors mariage sont bannies par « la réglementation religieuse », le jihad par le sexe s'est rattaché bizarrement à l'islam radical, censé être le plus proche du texte saint et des pratiques prophétiques. Où puisent certaines femmes et jeunes filles cette forme pervertie du don de soi pour Dieu ? Il est à préciser que des femmes ont, en réponse à certains préceptes, rigoureusement stigmatisants, opté pour une dissimulation totale de leurs corps et une occultation du paraître, à travers un voile intégral. Perçu par certains comme une manière de se gommer de la société, le voile intégral, dissimulant jusqu'aux yeux de la femme derrière une étoffe noire, est une façon de dire et d'accepter que la femme se résume à un corps, à un tour de taille, à un bout de bras, de doigt, à un regard et que, de ce fait, la femme est un objet sexuel qu'il est préférable de cacher pour ne pas inciter l'Autre. Au nom d'une certaine lecture du Coran, ces femmes ont commencé à se percevoir comme objet, objet de séduction, d'incitation et d'invitation au péché. Une manière d'accepter aussi , pour certaines, que l'on puisse réduire, encore une fois, l'entité féminine à un objet de désir, de plaisir et à un corps à offrir en pâture à des inconnus pour qui le manque d'activité sexuelle risque d'impacter le rendement au combat. Alors que le don de soi chez les hommes et les femmes cherchant une bénédiction divine était d'ordre moral et spirituel, il est en train de connaître une phase inquiétante, passant par le sexe et par le sang. Dans les sociétés musulmanes les plus conservatrices, des cheikhs établissent un ordre social fondé sur des fatwas, sorte de règlement intérieur prenant pour base une certaine lecture du Coran. Cependant, ces mêmes cheikhs qui interdisent aux femmes de conduire et qui proscrivent la mixité ne cessent de sortir des fatwas de toutes sortes, des idées saugrenues pour certains, par le biais de pages facebook, de tweets et de vidéos. Parmi les sujets abordés figurent très souvent des « problématiques » d'ordre sexuel. Beaucoup se souviennent d'une fatwa suggérant de donner le sein à son collègue de bureau pour que la proximité physique ne soit pas considérée comme un péché et qu'un rapport de « filiation » s'instaure entre les deux. Plus récemment, une fatwa a suscité la polémique, puisqu'on y voit un cheikh, devant un parterre masculin concentré, présenter l'au-delà où chaque homme aurait 70 femmes, où chacune des femmes en aurait 70 autres et où les ébats sexuels dureraient 70 ans chacun. Une drôle de vision du paradis présenté comme une orgie sexuelle et où la femme est réduite à un objet de plaisir. Ces mêmes émetteurs de fatwas auraient, selon certains, encouragé au jihad sous toutes ses formes dans le but de glorifier l'islam. Et beaucoup de jeunes ont répondu à cet appel, amadoués par une cause ou appâtés par une récompense divine dans l'au-delà. En Tunisie, le ministre de l'Intérieur a confirmé, jeudi 19 septembre, au siège de l'Assemblée nationale constituante, que des Tunisiennes partent en Syrie pour pratiquer cette nouvelle forme de jihad, qu'elles passeraient entre les mains d'hommes par dizaines et qu'elles revenaient engrossées par centaines. L'information a fait le tour de la presse internationale et a confirmé un phénomène qu'on abordait comme une rumeur. Le ministère de la Femme a même publié un communiqué, vendredi 20 septembre, pour condamner cette pratique. Trop tard penseront certains. Cependant, du côté des salafistes, du moins ceux qui s'affichent sur la toile, les choses sont perçues d'un prisme tout autre. Une contre-information relayée par les dirigeants des combats en Syrie dément l'existence de cette forme de jihad et plus particulièrement la présence de Tunisiennes en Syrie dans cette optique. Jihad Ennikah serait, selon eux, une manière de salir les sunnites et une manœuvre provenant des chiîtes et des pro-Bachar El Asad. Un conflit qui dépasse la Tunisie, mais dont les répliques touchent en profondeur sa société. Quelle que soit la vérité relative à ce fait ou à ce mensonge, il est clair que les Tunisiens sont encore l'objet d'une manipulation. Cela s'opère du côté officiel ou du côté de ceux que celui-ci a, volontairement, marginalisé au nom de la liberté. Au moyen de cette manipulation, nos jeunes sont partis par milliers, non pas pour donner leur corps en offrande, mais leurs âmes également. Au moyen de l'autre, c'est tout un pays qui est donné en offrande.