Par Abdelhamid Gmati Les espoirs suscités, en fin de semaine, par l'acceptation du leader d'Ennahdha de la feuille de route du Quartet et de sa mise en application, semblent s'estomper. On s'attendait à l'ouverture d'un dialogue national franc et constructif mais très vite, on a eu droit à toute une série de bémols. Le gouvernement Laârayedh a, vite, démenti son intention de démissionner dès l'ouverture des pourparlers. Puis il fut relayé par plusieurs responsables du mouvement nahdhaoui, affirmant que le gouvernement restera en place jusqu'à la fin de la période de transition. Noureddine Bhiri, ministre conseiller auprès du chef du gouvernement, a été explicite affirmant, lundi, que le gouvernement ne va pas annoncer sa démission avant le démarrage du dialogue, l'adoption de la Constitution, l'élaboration d'une loi électorale, ainsi que la formation de l'Instance supérieure pour l'indépendance des élections (Isie). D'autres n'envisagent même pas une déclaration d'intention. Pour la ministre de la Femme, Sihem Badi, le gouvernement restera bien en place jusqu'à la fin de la période de transition et ne démissionnera pas dès le coup d'envoi du dialogue national. Le signataire de la feuille de route, Rached Ghannouchi, lui-même, affirme, dans un journal algérien, «qu'une démission immédiate du gouvernement actuel n'est pas envisageable pour le moment», et il ajoute : «La démission immédiate n'est pas une condition de l'initiative du Quartet, mais une requête de l'opposition ... Le gouvernement ne démissionnera qu'une fois une alternative sera trouvée et ne cédera pas sa place au chaos». En définitive, Ennahdha campe sur ses positions et n'a rien changé à ses conceptions. La palme revient incontestablement au ministre du Transport et membre du Conseil de la Choura du mouvement islamiste Ennahdha, Abdelkrim Harouni, qui affirme que «le gouvernement ne démissionnera pas avant la finalisation de la Constitution et la fixation de la date des élections. La mission que Dieu nous a confié, il nous a aussi ordonné de ne la rendre qu'à ceux qui nous ont mandatés, et c'est là un ordre divin, qui se situe au-dessus de la Constitution et au-dessus de la loi... Avec la volonté de Dieu, nous ne rendrons notre mandat qu'à nos mandants et nous ne lâcherons le pouvoir qui nous a été confié par notre peuple qu'à une partie que notre peuple a acceptée». Voilà qui est clair et il semble que ce sieur s'érige en un nouvel envoyé de Dieu. De deux choses l'une : ou bien il parle du gourou de sa secte, Ghannouchi, qu'il considère comme son dieu, et cela le regarde, ou alors il parle de Dieu et là il commet un blasphème et insulte les Tunisiens musulmans. Il est vrai qu'avec lui, le transport va mal. Les partis d'opposition déplorent ce qu'ils considèrent comme un revirement, une nouvelle entourloupette des islamistes. Mais bon gré mal gré, tout le monde pousse vers le dialogue. Le porte-parole de l'Ugtt, Sami Taheri, a déclaré, mardi, que l'initiative du Quartet ne stipule pas la démission immédiate du gouvernement en place. Soit. Mais alors, qu'attendre de ce dialogue ? Un autre nahdhaoui en donne un aperçu. Rafik Abdessalem, membre du Conseil de la Choura d'Ennahdha, a affirmé que «nous ne céderons le pouvoir qu'à un gouvernement qui procure de l'assurance à nous-mêmes et à tous les Tunisiens, un gouvernement effectivement neutre et ayant vocation à conduire les missions constituantes et à préparer des élections transparentes». Cela veut dire que les discussions vont s'éterniser, les nahdhaouis ne voulant accepter que ce qui les conforte. Comme avec les nominations, il y a quelques mois, de personnalités neutres aux ministères de l'Intérieur et de la Justice, personnalités qui se sont avérées plutôt islamistes. Chaque sujet à l'ordre du jour sera sujet à contestation. Mieux. Sahbi Atig, chef du bloc parlementaire d'Ennahdha, a déclaré «qu'aucune tutelle sur l'ANC ne sera acceptée et qu'elle restera au sommet du pouvoir... Aucun gouvernement ne passera sans l'approbation de l'ANC». Voilà qui est clair. En somme, pourquoi discuter. Nous avons un gouvernement de droit divin, il faut s'en contenter. Et s'il faut le changer, il faudra s'adresser à l'oracle, entendeur de voix divine, Abdelkrim Harouni ; il nous dira les volontés divines. Il vaut mieux en rire car le reste, tout le reste, incite aux larmes et à la honte.