Des nominations faisant fi de la compétence professionnelle, de l'expérience et de l'efficience La diplomatie tunisienne va mal. S'il est nécessaire de citer des preuves, l'on ne serait embarrassé que du choix. Il n'y a pas si longtemps, le président de la République provisoire a irraisonnabelement appelé à la libération du président égyptien Mohamed Morsi devant la 68e Assemblée générale des Nations unies. Cela a valu à la Tunisie des désagréments et sur le plan économique et sur le plan diplomatique. Aujourd'hui encore, il se passe quelque chose du côté du syndicat du ministère des Affaires étrangères qui vient de tirer la sonnette d'alarme quant aux récentes nominations diplomatiques. Lors d'un rassemblement de protestation récemment tenu audit ministère, le secrétaire général du syndicat précité, Hamed Ben Brahim, a bel et bien dénoncé ces nominations faites sur la base de l'allégeance politique aux dépens de la compétence professionnelle, de l'expérience et de l'efficience. Il précise, dans ce sens, que la Troïka a accaparé une bonne partie «du gâteau», en attribuant à ses «apparatchiks» les postes de Genève, de Berne, de Paris (Unesco), de Lyon (consulat général), de Ryadh et de Tripoli. Il est donc clair comme l'eau de roche que la principale réserve du syndicat quant à ces nominations concerne le déni total du principe du mérite et la négligence des critères requis, tels la compétence, l'évolution de carrière et le professionnalisme. Ce faisant, il se trouve que l'on n'est pas sorti de l'auberge, étant donné que les diplomates restent confrontés à la même incommodité pesante : la partialité de l'administration. Sauf que cette fois-ci, l'inconfort aurait des conséquences beaucoup plus néfastes, vu que l'image du pays est en plein enjeu. Aussi peut-on se demander si les décideurs d'aujourd'hui ont pesé le pour et le contre, avant de décider, afin que ces nominations soient beaucoup plus étudiées. On se demande aussi si l'on a envisagé l'éventualité que le gouvernement à venir pourrait réviser ces nominations pour ensuite rappeler lesdits diplomates et consuls. N'aurait-il pas mieux valu bâtir sur des bases solides ? L'adage ne dit-il pas que celui qui veut aller loin n'a qu'à ménager sa monture ? Toute logique de clientélisme ou de partage du gâteau ne mènera nulle part et ne fera que multiplier les maladies qui désagrègent le pays et ses institutions. Face à de pareils agissements, la question est, aussi, de savoir si nos diplomates d'aujourd'hui disposent des atouts requis pour avoir une place dans la définition de la politique étrangère d'un pays où l'économie est à genoux. Seraient-ils vraiment capables de participer, à travers les informations et les analyses qu'ils produiront, à la conception et à la mise en œuvre d'une politique étrangère plus pragmatique et plus prospective ? Auraient-ils la vue d'ensemble qu'il faut pour pouvoir anticiper les dossiers qui pourraient figurer sur les agendas politiques du pays ? Sauraient-ils faire des propositions dès qu'une d'opportunité se présente ? Une chose est sûre : la Tunisie a aujourd'hui besoin de compétences certaines et d'une nouvelle génération de diplomates. Car ceux qui se contenteraient de répondre aux instructions qui leur seront adressées seraient, in fine, peu utiles. Les ambassadeurs et consuls de la Tunisie postrévolutionnaire devraient produire des idées et proposer des stratégies aux décideurs. S'ils sont outre-mer, c'est pour donner régulièrement des lignes directrices et soumettre des modes d'emploi et des solutions alternatives. Toutes ces missions ne sont pas des moindres. Pour s'en acquitter, l'on ne peut se passer d'aptitudes académiques, méthodologiques et pédagogiques. Trois techniques se montrent, au demeurant, inaliénables et déterminantes : la contextualisation, car une information n'a de sens que si elle est replacée dans son contexte. S'y ajoute consécutivement la prospection d'informations qui permet de rassembler les données capables de donner du sens à une information ponctuelle. Enfin, la synthèse, car face à la prolifération d'informations de toutes natures et de tous bords, il devient impératif d'en extraire les plus utiles ; celles-là mêmes qui pourraient servir l'intérêt supérieur de la patrie et le bien-être de la nation. La Tunisie est à la recherche de cette race de diplomates qui n'existe plus.