Quand on évoque le nom de Hassouna Mosbahi, on parle de quelqu'un qui a beaucoup écrit et qui a sans doute encore beaucoup à écrire. Il s'agit aussi d'un homme dont la richesse de l'œuvre en dit long sur l'expérience de vie. Et c'est justement pour ce qu'il a à dire sur son parcours et sur la situation de la nouvelle et du roman en Tunisie que la maison de la culture Ibn-Rachiq en a fait l'invité de son club «Mouhawarat» du 10 juin. Hassouna Mosbahi, originaire de la ville de Kairouan, est un romancier, nouvelliste, essayiste, traducteur et journaliste. Il a vécu de la fin des années 80 jusqu'à 2004 en Allemagne avant de retourner en Tunisie. Son œuvre, qui en fait un écrivain arabe et africain de renommée, compte plusieurs recueils de nouvelles et romans (Adieu Rosalie, Folie de ma cousine Hénia, Histoire tunisienne, Cendres de vie...) ainsi qu'un essai, Le livre de l'errance, qui lui ont valu des prix, dont le Grand Prix du meilleur roman de Munich en 2000 pour Retour à Tarchich. Partir sur de bonnes bases Le premier questionnement que se pose un écrivain face à lui-même est celui qui, plus tard, décide des traits et du caractère de son œuvre: quoi écrire? C'est parfois la vie et les coïncidences qui en décident, mais il faut partir sur de bonnes bases, celles de l'apprentissage et du savoir. C'est ce qui a mené Hassouna Mosbahi en Allemagne et dans d'autres pays. Il considère cela comme un exercice continu, «aujourd'hui encore je lis des œuvres anciennes et contemporaines. Nombreux sont les écrivains dont on a à apprendre», dit-il en enchaînant sur son admiration particulière pour ceux dont le travail de journaliste a inspiré l'aventure de l'écriture de livres, comme André Malraux dans L'Indochine. Ce qui n'est pas sans rappeler le parcours même de Mosbahi, qui a collaboré avec de nombreux journaux. Vient ensuite la question du style. Celui qui entreprend d'écrire en arabe doit, selon Hassouna Mosbahi, relever le côté vivant de cette langue sans cesse en besoin de jouvence et créer en même temps de nouvelles mouvances dans la littérature arabe. Cela passe donc autant par le fond que par la forme. Sur cet aspect de l'écriture, Hassouna Mosbahi n'a pas froid aux yeux en parlant de ce qui représente pour lui les moyens d'un renouveau, surtout en Tunisie. Il évoque pour cela les exemples de Messadi et de Béchir Khéraief, qui ont révolutionné leurs époques par leurs plumes en s'appropriant la langue, pour le premier, et en imaginant des personnages simples et ordinaires — notamment Khlifa Lagraa‑— en même temps très imprégnés de la réalité d'une société, pour le deuxième. Ecrire sur son époque Cette idée a servi de passage vers une autre : «écrire sur quoi?», appliquée au contexte tunisien actuel. Hassouna Mosbahi reformule cette question en: «Qu'est-ce que le pays a à présenter au monde en matière de littérature?», sachant que les réalités de vie qui inspirent les écrivains ailleurs (guerre au Liban, sexualité en Arabie Saoudite...) ne sont pas les mêmes en Tunisie, où on a bravé pas mal de tabous. Et pourtant, des noms tunisiens apparaissent et excellent, même parmi les jeunes, surtout en matière de nouvelles. La réponse, Mosbahi ne la cherche pas très loin. Elle se trouve selon lui dans la particularité de notre vécu, qui nous est propre. L'époque actuelle est pour lui celle des personnages simples et symboliques, de la défaite, de l'amertume et d'un monde qui passe de crise en crise. L'époque des héros, des grands éloges et des grandes victoires est, selon lui, bel et bien révolue et ne trouve pas sa place dans le roman contemporain.