Par Habib Chaghal Nous avions écrit, dans une précédente opinion, que le plan présenté par le Quartet dans le cadre du dialogue national est une chance pour les amis de Rached Ghannouchi et, en effet, ces derniers n'ont pas attendu longtemps pour saisir cette chance afin mettre en échec la méthodologie adoptée dans le cadre de la feuille de route élaborée par les membres du Quartet. Ces derniers, au lieu d'être des facilitateurs du dialogue en permettant aux partenaires politiques de choisir la méthodologie permettant d'aboutir à une solution par consensus, ont choisi d'imposer leur propre démarche qui s'est avérée inefficace. Quelle naïveté, avait dû penser Ghannouchi, en étudiant la feuille de route pour le volet concernant la formation du gouvernement. Simulant un refus, il a dû mettre une réserve sur le document élaboré par le Quartet pour se rétracter tout de suite après, afin de montrer qu'il joue sincèrement le jeu «du dialogue». Remarquez que Ali Laârayedh a utilisé le même stratagème, quelques jours plus tard, à propos de la démission du gouvernement. Je reste convaincu que les nahdhaouis ne lâcheront ni gouvernement ni ANC, pour la simple raison que nulle part ailleurs, les Frères musulmans n'ont jamais accepté l'alternance politique qui n'est pas inscrite dans leur charte élaborée par le fondateur du mouvement, Hassan Al Banna, dans les années 20 du siècle dernier. Qui plus est, en acceptant de légitimer le rôle de l'ANC, même avec une mission limitée, l'opposition a joué sa dernière carte politique. Les modifications introduites sur le règlement intérieur de l'ANC par la majorité et qui furent votées avec la complicité de Mme Labidi en prévision de l'éviction de Ben Jaâfar, montrent que les amis de Ghannouchi continuent à marquer des points sur tous les fronts politiques. Alors que les nadhaouis poursuivent la réalisation de leur programme d'un parti autocratique religieux : mainmise sur les mosquées, les municipalités et les institutions de l'Etat, prolifération d'écoles coraniques, ligues de protection de la révolution, recrutement massif dans la police et bientôt dans l'armée, solidarité avec les mouvements islamistes en Libye, en Egypte et en Syrie..., l'opposition se lamente de l'échec du gouvernement dans les domaines sécuritaire et économique, domaines qui ne font pas partie des préoccupions immédiates des responsables nahdhaouis. En agitant la carte de la rue pour faire pression sur le parti Ennahdha, l'opposition n'obtiendra aucune concession de cette dernière. Au contraire, le Front du salut, à l'image de Néjib Chebbi, continuera à s'impliquer dans la démarche des amis de Ghannouchi qui consiste à garder le statu quo actuel avec une promesse d'aller aux élections le plus rapidement possible. Ceux qui parient sur la pression étrangère et les injonctions du FMI pour changer les objectifs du parti majoritaire, devraient réviser leurs prévisions. Il n'y a aucune raison de blâmer les islamistes d'Ennadha. Ceux qui ont procédé au changement du pouvoir le 14 janvier, qu'ils aient été manipulés ou non, ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes. La gauche qui avait pris la relève en appelant à dissoudre le RCD et à l'exclusion des destouriens des élections de 2011, avait manqué de vision ; elle en paie aujourd'hui les frais. En politique, il y a des fautes qui sont irréparables.