WASHINGTON (Reuters) — Le directeur général de BP Tony Hayward a affronté à son tour hier la colère du Congrès américain alors que les marchés ont accueilli favorablement la création par le groupe pétrolier d'un fonds de 20 milliards de dollars pour couvrir les dommages causés par la marée noire dans le golfe du Mexique. Le cours des actions de la compagnie pétrolière, qui a perdu près de la moitié de sa valeur depuis l'explosion de la plateforme Deep Water Horizon, le 20 avril dernier, regagnait à la mi-journée près de 8%. Des analystes expliquent qu'en créant ce fonds spécial et en annonçant la suspension du versement de dividendes cette année, la direction de BP avait desserré la pression exercée par les investisseurs. "Une part importante d'incertitude est aujourd'hui levée", souligne Evgueni Soloviov, de la Société Générale. "A présent qu'ils ont un accord politique, nous avons beaucoup plus de visibilité sur les coûts potentiels", ajoute-t-il. D'autres sont plus prudents. Un des vingt plus gros investisseurs au capital de BP estime ainsi que le groupe "a beaucoup cédé aux responsables politiques et, au final, il faudra bien que quelqu'un en paie le prix". L'accord sur la création de ce fonds de réserve a été annoncé mercredi par Barack Obama à l'issue de quatre heures de discussions entre responsables de l'administration américaine et représentants de la compagnie britannique. Le président de BP, Carl-Henric Svanberg, qui a pris part à ces discussions plus longues que prévu, a présenté publiquement les excuses de la compagnie à la population américaine. "J'entends dire parfois que les grandes compagnies pétrolières sont des sociétés âpres au gain, qui ne se soucient pas des gens, mais ce n'est pas le cas de BP, nous nous soucions des petites gens", a-t-il ajouté. L'explosion de Deepwater Horizon, qui a fait onze morts, a provoqué la plus grave marée noire de l'histoire des Etats-Unis. Quelque 190 kilomètres de côtes ont été souillées, l'industrie de la pêche et le secteur du tourisme ont été lourdement pénalisés et la faune et la flore du golfe du Mexique et des Etats côtiers mis en péril. C'est dans ce contexte que Tony Hayward, directeur général du groupe, a été entendu hier par des parlementaires. Il devra revenir sur les faits ayant conduit à la catastrophe et sur les moyens mis en oeuvre par BP pour réparer les dégâts. Il devrait également s'efforcer d'élargir le cercle des responsabilités et réfuter les arguments avancés ces derniers temps par d'autres acteurs du secteur pétrolier, qui ont affirmé que BP n'était pas à la hauteur de leurs propres pratiques en matière de sécurité et de fonctionnement. "Accident complexe" Dans le texte écrit servant de base à sa déposition, Hayward affirme, lui, que c'est le secteur pétrolier dans son ensemble qui doit s'améliorer et juge prématuré d'expliquer les causes de cet "accident complexe" dans lequel "un certain nombre de compagnies, dont BP, sont impliquées". Hayward devra aussi surveiller ses propos. Le mois dernier, il avait ulcéré les populations de Louisiane, du Mississippi, de l'Alabama et de Floride en déclarant qu'il voulait "récupérer (sa) vie d'avant". La phrase avait choqué. Elle avait été interprétée comme la preuve d'une absence de sensibilité alors que les familles de victimes de l'explosion étaient en deuil et que des populations entières s'inquiétaient pour l'avenir de leurs activités économiques. Mais Tony Hayward devrait être soumis au même feu roulant que les autres responsables de BP entendus par le Congrès, où la perspective des élections de mi-mandat de novembre prochain aiguise les prises de position. BP a parallèlement annoncé mercredi la mise en œuvre d'un deuxième système de confinement qui permettrait de porter la capacité de captage de pétrole qui fuit à 28.000 barils chaque jour. Le premier dôme de confinement, déjà en place, permet de récupérer grosso modo 15.000 barils par jour et, selon une nouvelle fourchette d'estimation, le volume total de fuite est de l'ordre de 35.000 à 60.000 barils par jour (soit 5,56 à 9,52 millions de litres).