HOUSTON (Reuters)‑— Soumis à d'intenses pressions de l'administration Obama, le directeur général de BP, Tony Hayward, devait trancher hier sur le bien-fondé de tenter une procédure délicate pour colmater la fuite à l'origine d'une gigantesque marée noire dans le golfe du Mexique. BP a perdu 50 milliards de capitalisation boursière depuis l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon, le 20 avril. A l'annonce d'une possible nouvelle tentative de colmatage, l'action a repris 2% environ à la Bourse de Londres. En cas de nouvel échec, l'administration Obama pourrait se voir contrainte de prendre le commandement des efforts de lutte contre ce qui risque de devenir la pire marée noire de l'histoire des Etats-Unis. Elle s'y est refusée jusqu'ici en disant que BP était légalement responsable de la réparation des dégâts. Pour cette nouvelle tentative, BP a l'intention d'utiliser des robots sous-marins afin d'injecter des fluides épais dans le puits, à 1.600 mètres sous le niveau de la mer, dans l'espoir de l'obstruer. Cette manœuvre complexe, surnommée "top kill", n'a jamais été tentée à une telle profondeur. "En fin de matinée, j'étudierai cela avec l'équipe et je prendrai une décision finale sur l'opportunité d'intervenir ou non", a déclaré Tony Hayward à l'émission "Today" de NBC. Des ingénieurs de BP et des scientifiques ont effectué hier une série de tests pour déterminer les chances de succès de l'opération et les risques d'aggravation de la fuite. Si Hayward décide d'intervenir, l'opération devrait se faire hier, mais il a dit qu'il faudrait un jour ou deux pour déterminer si elle a réussi. BP a prévenu les personnes observant en direct la fuite par webcam qu'au cas où la procédure serait mise en œuvre, ces images ne constitueraient pas un indicateur fiable de la réussite de l'opération. En cas d'échec, a dit Hayward à NBC, "la prochaine étape sera d'installer un dispositif de confinement qui sera fixé sur le sommet du bloc obturateur de puits (BOP). C'est-à-dire sur le fond de la mer, et il sera déployé dans un délai de trois ou quatre jours si le “top kill” échoue". "Toute une série de pannes" Le sénateur démocrate de Floride, Bill Nelson, a affirmé que si BP ne réussisait pas à colmater la fuite hier, Barack Obama devra prendre immédiatement le contrôle des efforts. BP a estimé à 60 à 70% les chances de réussite du "top kill". Des experts pétroliers participant au Reuters Global Energy Summit évaluaient ces chances à 50% mais ils minimisaient les risques de voir la fuite s'aggraver. Le gouvernement américain et les riverains des zones affectées s'impatientent et redoutent l'impact de la marée noire sur la faune et la flore de la région. Les analystes estiment que la catastrophe risque en outre de coûter des voix aux démocrates d'Obama aux élections de mi-mandat, en novembre. Le chef de l'exécutif américain a déclaré il y a quelques jours devant des collaborateurs qu'il fallait "colmater cette fichue fuite". Il se rendra demain dans le golfe de Louisiane, pour la deuxième fois depuis l'explosion de la plate-forme, qui a fait 11 morts. BP a reconnu mardi une "erreur fondamentale" commise lors de tests de pression menés sur la conduite de forage quelques heures avant l'explosion à l'origine de la marée noire, dit une note diffusée par deux parlementaires américains. "Il y a eu toute une série de pannes, le bloc obturateur de puits n'a pas fonctionné à trois occasions distinctes", a dit Hayward à CNN, ajoutant que la compagnie allait remettre les conclusions de son enquête aux autorités américaines. Mais il a démenti que ces pannes soient liées à une tentative de la compagnie de réduire ses coûts, qualifiant la fuite et l'explosion de la plate-forme d'"accident sans précédent". D'après un sondage CBS, 70% des Américains désapprouvent la manière dont BP gère la crise et 45% ont une opinion négative de l'attitude de l'administration Obama.