Il devra aussi faire révoquer et annuler toutes les nominations partisanes et abusives de la Troïka au sein de l'administration centrale et autres. Autrement, toute élection future sera truquée d'avance, les dés étant pipés. Oui, bien évidemment, nous avons un nouveau chef de gouvernement. Enfin ! On prévoyait sa nomination en une semaine. Il aura fallu attendre plus de deux mois. Ce qui en dit long sur les incuries et les carences des partis politiques de la place, plus que jamais épars et divisés. Et le nouveau locataire de la Kasbah d'hériter de véritables cadeaux empoisonnés. Résumons. A l'issue des élections de l'Assemblée constituante du 23 octobre 2011, on prévoyait tout juste une période transitoire d'une année, couronnée par une nouvelle Constitution et la tenue d'élections législatives et présidentielle. Il n'en fut rien. La légitimité électorale fondit comme neige au soleil. On passa à une deuxième phase transitoire, consensuelle cette fois. Puis le consensus s'épuisa. Un régime d'assemblée se mit en place, avec tous ses travers et ses excroissances perverties. Autoproclamé maître de lui-même, le régime provisoire confina à la dictature d'Assemblée. La pire de toutes, historiquement parlant. Entre-temps, deux gouvernements successifs de la Troïka gouvernante rendirent l'âme. Ils subirent les feux croisés de la crise économique frisant la banqueroute, de l'endettement, de la contestation sociale, de l'escadron de la mort et de la nébuleuse terroriste. Celle-ci ne tarda pas à s'installer dans nos murs, moyennant grenouillage, réseaux parallèles, infiltration dans les appareils sécuritaires, complaisance officielle et laxismes officieux. Les deux gouvernements Jebali et Laârayedh travaillèrent peu et mirent ensemble une année pour démissionner (sept mois pour le premier, plus de quatre pour le second) ! Et nous voilà dans une troisième phase transitoire, entre deux mondes, l'un mort et l'autre impuissant à naître. Impératifs Les tractations partisanes n'en finissaient plus. Exaspérés, les Tunisiens en vinrent à condamner la classe politique en bloc. Il faut dire qu'un système de partitocratie à l'italienne commence à voir le jour et investir la place sous nos cieux. Finalement, Mehdi Jomâa aura été choisi in extremis, dans les derniers mètres de la dernière ligne droite d'un Dialogue national en passe de rendre l'âme. C'est en quelque sorte le candidat des équilibres catastrophiques, l'élu en désespoir de cause. Il commence fragilisé. D'abord par l'absence de consensus préalable autour de sa personne. Les divisions partisanes sont on ne peut plus tranchées. Ensuite par l'annonce d'un front d'opposition avant même qu'il ne prenne les commandes. Enfin par les soupçons plus ou moins fondés sur son allégeance au mouvement Ennahdha, dont, aux dires de ses détracteurs, il serait un sous-marin, sinon un transfuge. Au-delà des supputations et des conjectures, Mehdi Jomâa devra subir les épreuves des urgences. D'abord former un gouvernement indépendant et de compétences, en une semaine, et recueillir l'aval de l'Assemblée constituante. Ensuite parachever les autres impératifs de la Feuille de route : Constitution, Instance indépendante des élections, loi électorale et fixation de la date des prochains scrutins. Il devra aussi faire révoquer et annuler toutes les nominations partisanes et abusives de la Troïka au sein de l'administration centrale et autres. Autrement, toute élection future sera truquée d'avance, les dés étant pipés. Un grand chantier en fait. Auparavant, M. Mehdi Jomâa devra parer au plus pressé, d'autorité et d'urgence, à la nouvelle loi de finance désastreuse, concoctée par le gouvernement sortant. Autrement, ses effets économiques et sociaux pervers se feront aussitôt ressentir. C'est dire aussi qu'il sera jugé sur pièce. Et qu'il est déjà prévenu des lourdes tâches qu'il affronte d'emblée. Parce qu'il lui faudra, avec son staff, courir deux fois plus vite pour rester à la même place. Et un homme avisé en vaut deux.