Juridiction administrative suprême régie par la loi organique n° 40-72 du 1er juin 1972, le TA fonctionnait, jusqu'à 2011, dans un environnement juridique dominé par la Constitution de 1959, sa norme habituelle de référence. A partir du mois de mars 2011, il devra composer avec les deux textes normatifs relatifs à l'organisation provisoire des pouvoirs ; d'abord le décret-loi en date du 23 mars 2011 puis la loi constituante en date du 16 décembre 2011. Mais il faudra attendre l'année 2013 pour voir le TA rendre une série d'avis et de décisions qui vont sensiblement influer sur le cours implacable de la transition. L'une des plus importantes est le verdict relatif à l'affaire des 36 candidatures de l'Instance supérieure pour les élections rendu ce 11 novembre. Sans surprise, le TA a rejeté la liste des candidats de l'ISIE qui devait être immédiatement examinée en séance plénière à l'ANC. Plusieurs irrégularités graves se rapportant notamment à l'échelle d'évaluation des candidatures ont été relevées par le Tribunal administratif. Et l'ANC a dû se conformer à l'obligation de réviser la liste des candidatures. Ce verdict du TA lui vaudra des accusations d'impartialité et des campagnes de dénigrement contre ses juges les plus médiatisés menées par les inconditionnels de la légitimité indéfinie de l'ANC. Mais la tension entre le Tribunal administratif et l'Assemblée nationale constituante remonte, selon le juge Ahmed Souab, au rejet du TA des augmentations des salaires des députés, du président et de la vice-présidente de l'ANC. Face aux irrégularités de l'exécutif, le TA n'a pas été moins vigilant. Début décembre, il prononçait la suspension de la décision du ministre de l'Intérieur et du ministre du Commerce sur la tenue des élections des Chambres de commerce pour un mandat de quatre ans prévues à la fin du mois. Motif : ces élections doivent se dérouler dans des conditions de transparence et un climat démocratique qui font actuellement défaut. Le TA a d'autre part annulé les nominations décidées par le chef du gouvernement provisoire à la tête des délégations spéciales du Grand-Sfax, Kerkennah et Sakiet Eddaïer. Et même si ce verdict n'a toujours pas été appliqué, il rend nulles et non avenues toutes les décisions ultérieures des délégations concernées. Le constitutionaliste Amine Mahfoudh ajoute à la liste des décisions du TA l'avis tenu confidentiel concernant le conflit de compétences entre le président de la République et le chef du gouvernement en rapport avec l'extradition des étrangers. « Le TA a probablement payé le prix de cet avis et de celui relatif à l'affaire de Baghdadi Mahmoudi». Une vigilance et une suprématie qui ne sont pas du goût de l'ANC. L'assemblée vient d'user du pouvoir de sa commission de coordination et de rédaction pour écarter les juges administratifs, qualifiés de « juges de l'antilégitimité » de la liste des experts chargés de réviser et de cautionner le texte final de la Constitution. Leur expertise est pourtant sollicitée dans les textes constitutionnels.