Le rôle et le fonctionnement du tribunal administratif n'intéresse pas seulement les juges de ce tribunal. Au contraire de par son importance et son rôle à trancher les différends touchant l'administration, il retient une attention particulière de la part des administrés. La commission de la justice judiciaire, administrative, financière et constitutionnelle, relevant de l'Assemblée nationale constituante et présidée par Fadhel Moussa n'a pas manqué de s'y intéresser de très près. Lors de sa dernière réunion, la première présidente de ce tribunal, Raoudha Mechichi a présenté quelques projets d'articles concernant la justice administrative. Elle a avancé des propositions concernant le rôle et la place qui échoient au pouvoir législatif dans la prochaine constitution. Elle propose d'inclure dans la justice administrative, le tribunal administratif, des cours d'appel ainsi que des tribunaux de première instance. Ces tribunaux auront pour mission exclusive d'examiner les abus de l'administration et tous les litiges administratifs. La loi devra définir l'organisation de la justice administrative, ses procédures et ses prérogatives. Un autre projet prévoit de pourvoir le pouvoir administratif d'une mission consultative avec des compétences à déterminer par la loi. D'autre part, elle propose que les verdicts de la justice administrative soient publiés et exécutés au nom du peuple. Les éventuels refus ou retards dans l'exécution des jugements doivent être automatiquement sanctionnés. Enfin, un autre projet d'article stipule que les affaires de la justice administrative soient dirigées par un Conseil supérieur qui veillera à l'application des garanties consenties par la loi et les conventions internationales pour les magistrats. La composition du conseil supérieur, ses prérogatives et les règles de son fonctionnement seront déterminées par la loi. Les membres de ce Conseil seront-ils tous élus ? Qui présidera ses travaux ? Est-ce le Chef du gouvernement, ou le premier président du tribunal ? Aucune allusion à ce sujet, pour le moment. Selon certaines sources, la présidente du tribunal n'avait guère apprécié que la Commission ait pu écouter, quelques jours auparavant, un exposé de l'Union des Magistrats Administratifs (UMA) sur le même thème. La première présidente du Tribunal administratif remet à table la représentativité électorale de cette structure syndicale. A ce titre il faudrait signaler que la commission est souveraine et peut recevoir qui elle veut et a le loisir de recueillir tous les avis. Les divergences entre la présidente du Tribunal administratif et l'UMA trouvent leurs origines à bien longtemps. Ahmed Souab, porte-parole de l'Union des Magistrats Administratifs tient toujours à ce que le Conseil supérieur de chaque corps de magistrats ne soit composé que de membres élus. Aucun membre du pouvoir exécutif ne peut y être présent. Cette règle générale vaut plus particulièrement pour le tribunal administratif. C'est une position qui date de juin 2011. Il s'agit de se conformer aux normes et conventions internationales. D'ailleurs, la dernière réunion du Conseil supérieur du Tribunal administratif, présidée par le Chef du Gouvernement avait été boycottée par neuf membres sur vingt pour marquer cette volonté d'indépendance totale vis-à-vis du pouvoir exécutif. Commission libre et souveraine Rappelons, que le Tribunal administratif est, avec la Cour des comptes, l'un des deux organes du Conseil d'Etat tunisien prévu par l'article 69 de la constitution du 1er juin 1959. La juridiction administrative est composée de sept chambres de première instance, de cinq chambres d'appel, de trois chambres de cassation, de deux chambres consultatives ainsi que d'une assemblée plénière. La Constitution de 1959 ayant été suspendue, la loi fondamentale d'organisation provisoire des pouvoirs en vigueur, stipule dans ses articles 21 et 22 que « le pouvoir judiciaire exerce ses fonctions en toute indépendance. L'ANC élabore une loi fondamentale créant une commission temporaire pour superviser la justice faisant office de Conseil Supérieur de la Magistrature. L'ANC se charge de la réorganisation de la justice et des instances de la magistrature suprême, judiciaires, administratives, financières et définit les bases de la réforme du système judiciaire. Le tribunal administratif et la cour des comptes exercent leurs pouvoirs conformément aux lois et règlements en vigueur ». En conséquence, ils rejoignent la tutelle du Chef de Gouvernement. C'est ce que redoutent les magistrats adhérents à l'UMA. Les défenseurs de l'indépendance totale du tribunal administratif et de la généralisation du principe de l'élection des membres de son instance supérieure auront-ils gain de cause ? La commission de la justice judiciaire, administrative, financière et constitutionnelle, sera-t-elle sensible à leurs doléances et donnera-t-elle une suite favorable à leurs revendications ? Le fait que cette commission soit présidée par un démocrate facilitera-t-il les choses ? La commission est libre et souveraine dans son travail. Les calculs politiques seraient-ils loin des débats ?