Les conditions de candidature à l'ISIE ont été fixées par arrêté de l'ANC, du 22 février 2013, en vertu duquel, elles seront étudiées par une commission de tri, qui veillera à l'application à la lettre du texte précité. Il faut tout d'abord être électeur, c'est-à-dire ne pas avoir des empêchements pour jouir de ses droits civiques, et être âgé d'au moins 35 ans. Ensuite viennent les conditions d'ordre moral, dont notamment : la probité, l'indépendance et l'impartialité. Puis suivent les conditions de capacité intellectuelles qui sont celles de compétence et d'expertise. Il est en outre stipulé dans ce même arrêté, que le candidat ne doit être membre élu d'aucune instance professionnelle, et ne pas avoir été adhérent ou membre actif d'un parti politique durant les cinq années antérieures à l'ouverture des candidatures. Il ne faut pas également avoir exercé de responsabilité au gouvernement ou la fonction de gouverneur, Secrétaire général, délégué, pendant toute la durée du pouvoir du président déchu, et n'avoir pas été adhérent ou membre actif au sein de l'ex RCD. Enfin la condition de l'âge minimum semble avoir suscité le plus de controverses avec celle l'échelle dévaluation, sur la base desquelles les candidats sont notés par la commission en vue de trancher concernant l'acceptation ou le refus de leur candidature. Or cet arrêt pris par l'ANC, n'est pas tout à fait conforme à la loi organique sur l'ISIE, promulgué le 20 décembre 2012, qui entre autres ne tient pas compte du critère de l'âge, considéré par les jeunes de moins de 35 ans comme une mesure discriminatoire. Recours sur la base de l'article 6 du code administratif Aussi les travaux de la commission en vertu des critères précités, ont-il fait l'objet de recours devant le tribunal administratif, par les candidats estimant avoir été lésés personnellement, ainsi que par 25 avocats, estimant que ces critères sont en violation du principe de l'égalité des chances. L'arrêt du tribunal administratif déclarant les recours recevables a décidé de suspendre les travaux de la commission parlementaire de sélection des candidats, les critères basés sur l'âge minimum de 35 ans, ainsi que sur des critères de diplôme, étant en contradiction avec le principe de l'égalité des chances. Le tribunal administratif a estimé également que le fait par la commission de proroger le délai des candidatures est une attitude abusive et non conforme à la loi. L'ANC est-elle obligée de se plier à la décision du tribunal ? L'arrêt du tribunal administratif constitue en l'occurrence une mesure conservatoire à laquelle la Constituante est obligée de se plier, d'autant plus qu'elle n'est susceptible d'aucun recours, que ce soit en appel ou en cassation. D'ailleurs c'est ce qu'a déclaré Mustapha Ben Jaâfar, le président de l'ANC, suite à la réunion de la commission, ajoutant qu'il a été décidé de créer une commission d'experts parmi les juristes dont des experts en droit administratif, en vue de réviser l'échelle d'évaluation objet de contestation des plaignants. Corrélativement avec la position des membres de l'ANC, des observateurs ainsi que des spécialistes en droit constitutionnel ont affirmé que la Constituante, ne peut en aucun cas passer outre la décision du tribunal. Le professeur de droit constitutionnel Ghazi Ghraïri a déclaré que le tribunal administratif est connu depuis longtemps pour ses décisions courageuses, voire audacieuses, et ce, même pendant l'ancien régime aussi bien sous Bourguiba que sous Ben Ali ; Plusieurs arrêts ont annulé des arrêtés ministériels, jugés abusifs, dont celles relatives à des expropriations inéquitables, ou concernant l'interdiction du port du hijab par certains fonctionnaires. Il ajouta que la seule éventualité selon laquelle l'ANC pourrait refuser de se plier à la décision du tribunal administratif serait dans l'existence d'une cour constitutionnelle, ce qui n'est pas le cas pour le moment. Ahmed Rahmouni , président de l'Observatoire Tunisien pour l'Indépendance de la Justice, a pour sa part mis l'accent sur la portée de la décision du tribunal administratif, qui appuie davantage l'importance du rôle de la Justice et son impact sur les décisions des organes de l'Etat, de manière à consolider la démocratie transitionnelle et préserver davantage l'intérêt général. Ahmed Souab, juge du tribunal administratif a fait observer, quant à lui, que le refus par la Constituante de se plier à la décision du tribunal administratif constituerait un précédent grave, et une atteinte à l'exécutif. Nouvelle évaluation, nouveaux critères ? Les experts seront chargés de procéder à de nouvelles évaluations, afin de classer les candidats en leur attribuant des notes, selon des critères de compétence plutôt que ceux de diplômes. Cela est valable aussi bien pour les candidats déjà retenus, que pour les candidats qui présenteront ultérieurement leurs candidatures. Ce qui sous entend que les délais seront prorogés, tant celui de l'envoi des candidature, que celui des élections fixées préalablement à la fin du mois de décembre 2013. Ce délai sera, par la force des choses retardé de trois mois si ce n'est plus, selon la plupart des observateurs. Certes, comme a dit La Fontaine « rien ne sert de courir, il faut partir à point » C'est dire que la manière de démarrer est plus difficile que le chemin à faire !