Si les Américains continuent d'entretenir le suspense quant au sort de Abou Iyadh, il n'est pas exclu que ce dernier soit jugé un jour par un tribunal tunisien Maintenant que l'arrestation de Abou Iyadh, n'en déplaise à ceux qui «s'entêtent» à l'infirmer, est donnée pour acquise par des médias américains, européens et arabes généralement bien informés, personne, par contre, ne peut prévoir, au juste, le sort qui attend l'homme fort d'Ansar Echaria. Il est vrai que ce dernier, qui traîne un lourd dossier noirci de graves antécédents judiciaires, était activement recherché tant par la Tunisie que par les Etats-Unis, son implication personnelle ayant été juridiquement avérée aussi bien dans des attentats terroristes perpétrés dans nos murs que dans les attaques anti-américaines commises en Tunisie et à Benghazi (Libye). Que cache Abou Iyadh ? S'il est vain de revenir sur les circonstances qu'on dit rocambolesques qui ont précipité son arrestation dans la ville libyenne de Sobrata, c'est parce que le plus important est plutôt de savoir comment sera la suite de ce «great event» sécuritaire impeccable monté «à l'américaine», c'est-à-dire dans la pure tradition de l'incontournable modus operandi des redoutables agences de renseignements de la CIA et du FBI. Aux dernières nouvelles circulant dans les coulisses de la cellule chargée de la stratégie de lutte contre le terrorisme en Tunisie, «Abou Iyadh serait actuellement entre les mains des Américains, quelque part à bord d'un navire de guerre US sillonnant la Méditerranée. Là où il est en train de subir des séances d'interrogatoire à répétition, avant de débarquer aux Etats-Unis». Surgissent alors les questions suivantes : Abou Iyadh a-t-il déjà vidé tout son sac ? Ou alors ses aveux sont-ils incomplets ? Et là, oserons-nous répondre, le problème ne se pose pas, les enquêteurs américains étant connus, de par le monde, pour leur patience, mais aussi pour leur étonnante capacité de reconstituer les puzzles les plus complexes et d'élucider les énigmes les plus impénétrables. Le... surbooking (en jihadistes) que connaît la tristement célèbre prison de Guantanamo en atteste remarquablement. D'où l'éventualité (autant dire l'espoir) de voir Abou Iyadh leur dire tout. Tôt ou tard. Le cas échéant, les aveux de ce dernier devront — et les archives le prouvent — entraîner le démantèlement de réseaux terroristes sévissant encore en Tunisie, en Libye, en Algérie, voire au Mali, étant donné que ces réseaux qui se complètent sont imprégnés de la même idéologie et sont tous à la solde d'Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique) du tout-puissant Abdelmalek Droukdel, c'est d'ailleurs ce travail de recoupement et d'investigation qui a permis aux Américains d'arrêter, coup sur coup, le plus dangereux terroriste libyen, Abou Aness, et Abou Iyadh. Et cela, tenez-vous bien, en l'espace d'un mois. Il faut le faire ! Un poisson qu'on s'arrache S'il est légitime de voir les Américains «tenir» à juger Abou Iyadh, pour son implication dans des attentats visant les intérêts US en Tunisie et en Libye, on ignore encore quel sera la... part du gâteau pour notre pays qui, lui aussi, réclame, depuis belle burette, la tête du «number one» d'Ansar Echaria. Dans ce contexte de... rivalité autour d'un aussi gros poisson, il faut se référer à des antécédents qui ont vu les Américains «s'offrir» la priorité de juger les terroristes qu'ils arrêtaient, avant de les extrader, plus tard et parfois même de longues années après, vers leurs pays d'origine. En sera-t-il de même pour Abou Iyadh ? «Tout dépendra de la volonté des Américains», répond une source policière bien informée. Et d'ajouter laconiquement : «En attendant, nous sommes à leur merci».