Les menaces d'Aqmi de sévir à l'occasion de la célébration du 12e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 n'ont pas été mises à exécution. Soulagement ! Mercredi 11 septembre 2013, 18h00, tous les accès menant à la grande citadelle de «Carrefour», à deux pas de La Marsa, grouillent de barrages policiers où agents de sécurité, armés jusqu'au bout des ongles et flanqués de soldats le doigt sur la gâchette, montent la garde : véhicules fouillés, contrôle d'identité, traque des recherchés... Le tout avec un air grave et des yeux qui brillent comme des lames d'acier. Abordé, un flic en fonction lance laconiquement : «Que voulez-vous, c'est le boulot», avant d'ajouter, visiblement irrité : «Accordez-nous de grâce des circonstances atténuantes, car c'est à un certain Abou Iyadh qu'il faut s'en prendre». Le décor est ainsi planté, la Tunisie ayant vécu, ce jour-là, sous l'angoisse des attentats promis par Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique) pour fêter à sa manière le 12e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001. Du jamais vu... Prises très au sérieux, ces menaces avaient provoqué, depuis le dernier week-end, un formidable branle-bas au sein des différents départements des ministères de l'Intérieur et de la Défense. Ici et là, on ne s'est pas contenté de sortir son artillerie lourde habituelle, puisqu'on a fait appel, cette fois-ci, à toutes les unités d'élite sans exception, tout en «étrennant» les nouveaux équipements sophistiqués importés récemment de l'étranger et utilisés dans les phases de détection des armes et de la répression des émeutiers. «C'est pour la première fois qu'on en use», soutient un agent de la Garde nationale qui nous révèle «fièrement» une autre nouveauté, à savoir «le droit de tirer, illico presto, sur tout véhicule refusant d'obtempérer». Du jamais vu aussi dans les principales artères des villes où on a constaté, non sans surprise, que les agents de circulation, «armés» jusque-là de l'inévitable sifflet, portaient en ce 11 septembre 2013 des fusils d'assaut, en bonne et due forme. «Une première dans notre carrière», reconnaît l'un d'eux qui assure, l'air étonnamment jovial, que «cette arme lourde ne nous a pas empêchés d'assurer la fluidité de la circulation». Imposante et inhabituelle fut aussi la présence, mardi, des unités de la police, de la Garde nationale et de l'armée devant tous les sièges des ambassades, avec la part du lion aux chancelleries occidentales, celle des Etats-Unis en premier lieu, qui était, à 100%, inapprochable... à plusieurs centaines de mètres ! Un sans-faute élogieux Cet état d'alerte exceptionnel a été maintenu non-stop, avec des flics et des soldats omniprésents là où âme qui bouge et même, plus tard dans la nuit, dans les rues désertes. Mercredi matin, passage au bilan avec à la clé ce formidable «sans-faute» : la «dure correction» promise et jurée par Aqmi n'a pas eu lieu, parce que tout simplement étouffée dans l'œuf. Ce n'est peut-être que partie remise, mais franchement, on n'épiloguera jamais assez sur la rigueur de ce plan d'urgence, ainsi que sur la bravoure et la compétence de nos vaillants soldats et forces de sécurité intérieure. Abou Iyadh ripostera-t-il ? Sur un autre plan, Abou Iyadh a été, sans nul doute, le plus durement touché par ce qu'il est convenu d'appeler désormais «la déroute de Séjoumi», allusion faite au retentissant coup de filet de lundi dernier qui l'a vu déplorer, la mort dans l'âme, la perte de quatre de ses hommes les plus puissants. Dans le contexte du combat acharné qu'il mène, se priver de ses proches lieutenants est une piqûre fort amère, voire un poignard dans le dos, un k.o. dont on ne peut pas facilement se relever. Certes, l'on sait que, dans les traditions de la nébuleuse intégriste de par le monde, on compte avec cette extraordinaire capacité de «créer» les émirs, ceux-là mêmes auxquels on confie les sales boulots (attentats, assassinats, collecte de fonds...), tout en les préparant à la succession, une fois le cheikh disparu. Dans les archives d'Al-Qaïda par exemple, Oussama Ben Laden, alors aux commandes, revenait toujours à la charge au lendemain de chaque «débâcle». Tout simplement parce qu'il puisait dans ses réserves humaines où la hiérarchie est si solide qu'on ne se lasse pas de former des générations de futurs patrons appelés à prendre, un jour, la relève. D'ailleurs, cette organisation terroriste a pu conserver, à nos jours, son «aura», en dépit de la disparition de Ben Laden qui s'est vite fait oublier par son bras droit, Aymen Al-Dhawahri. Et dire que Abou Iyadh est notoirement connu pour avoir été un élève de Ben Laden qu'il avait longtemps côtoyé dans les années 90 en Afghanistan où le disciple, inspiré par son maître, avait combattu, des années durant, avant son arrestation et son extradition en Tunisie où il a été, à l'époque, condamné à 40 ans de prison. Des renforts étrangers? Sauvé miraculeusement par la révolution, Abou Iyadh est vite réapparu sur le champ de bataille. Comme si de rien n'était! Aux dernières nouvelles, il est annoncé en Libye, révèle une source policière bien informée qui ajoute qu'«il a réussi au mois de Ramadan passé à faire un saut à... Jebel Chaâmbi pour... rompre le jeûne avec les insurgés qui y sont embusqués, tout en les exhortant, entre deux prières, à résister, le plus héroïquement possible, à l'étau qui se resserrait autour d'eux». Selon une autre source sécuritaire au fait des manœuvres d'Ansar Echaria, «Abou Iyadh se serait réfugié provisoirement en Libye pour très propablement chercher des renforts auprès des groupuscules islamistes concentrés aux frontières entre la Tunisie, l'Algérie, le Niger et la Libye». Il est vrai qu'Ansar Echaria entretient de solides rapports avec ces réseaux chapeautés par Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique). Et l'on sait que ces rapport son basés, selon la philosophie chère à Ben Laden, sur les échanges de données, de «compétences» et d'armes, dans le droit fil des options fondamentales de la sacro-sainte idéologie du jihad. Que trame donc Abou Iyadh en terre libyenne? Prépare-t-il une riposte pour espérer remonter le moral à sa troupe après les dernières déconvenues? Enfin, réussira-t-il à ...rentrer au bercail, bien qu'il soit dans le collimateur d'Interpol?