Grogne des propriétaires de véhicules dans toutes les régions du pays où des mouvements de protestation ont eu lieu contre la hausse des taxes imposées aux voitures, prévue dans la loi de finances 2014. Désormais, les propriétaires de véhicules sont assujettis à une redevance supplémentaire annuelle de 20 dinars (DT) pour les voitures 4CV, 40 DT pour les 5CV, 70 DT pour les 7CV, 120 DT pour les 8 CV, 140 DT pour les 9 CV, 160 DT pour les 10 CV, 180 DT pour les 11 CV, 500 DT pour 12 CV, 550 DT pour les 13 CV, 650 DT pour les 14 CV, 750 DT pour les 15 CV et 180 DT pour les 16 CV et plus y compris les voitures de sport. Le ministère des Finances a, en outre, décidé l'abattement de 25% au lieu de 50%, du taux de la redevance annuelle prélevée sur les véhicules soumis au régime de la taxe unique de compensation sur le transport routier, excepté les véhicules destinés aux handicapés qui bénéficieront d'une exemption de cette taxe. Le ministre des Finances, Elyès Fakhfakh, a relevé que la réduction de l'imposition, qui était fixée à 135 millions de dinars (MD) dans le budget de l'Etat, laisse la porte ouverte à une éventuelle augmentation des prix des carburants ou à d'autres alternatives, afin de remédier au déficit structurel du budget de l'Etat estimé à 8 milliards de dinars. Déficit en partie imputable à la hausse de la subvention des carburants à plus de 3,500 milliards de dinars, a-t-il ajouté à l'Agence Tap. Le ministre a avancé deux solutions à l'augmentation de la subvention: une hausse globale applicable à tous et qui est susceptible d'affecter le pouvoir d'achat des citoyens ou imposer une taxe en fonction de la puissance des véhicules, notant que l'application d'une telle mesure permettra d'économiser 135 MD, indiquant que seuls 30% des citoyens ont une voiture. Ambiance électrique dans tout le pays où les mouvements de protestation se sont multipliés. Plusieurs Unions d'agriculteurs ont observé des sit-in devant les locaux des recettes des finances et des trésoreries de Gafsa, Béja, Siliana, Gabès, Nabeul, Sfax, etc. Certains conducteurs ont bloqué les routes en dressant des barrages. Ce qui a décidé le gouvernement à revenir sur la décision impopulaire en matière de l'application des procédures antérieures portant sur le recouvrement des redevances de circulation des véhicules agricoles et de la pêche. Mécontentement de l'ODC L'Organisation de défense du consommateur (ODC) a vite réagi à cette situation. Mohamed Zarrouk, son vice-président, a indiqué que l'ODC a exprimé sa préoccupation quant à la loi de finances 2014, adoptée par les élus de l'Assemblée Nationale Constituante (ANC). Ces mesures porteront, selon lui, préjudice au consommateur tunisien et ne feront que détériorer son pouvoir d'achat. Il qualifie cette nouvelle taxe de «punition» de la classe moyenne d'avoir accédé à l'acquisition d'une voiture populaire. D'autre part, il a indiqué que le budget de l'Etat, qui s'élève à 28 milliards de dinars, a été conçu alors que le pays manque de ressources. Il a également rappelé l'ampleur de l'évasion fiscale estimée à 15 milliards de dinars et l'augmentation des prix du carburant, critiquant le marché parallèle et a indiqué que le ciment commence à se faire rare. Selon Mohamed Zarrouk, l'Organisation de défense du consommateur (ODC) représente 12 millions de consommateurs tunisiens et a précisé que l'Organisation a émis une demande à l'Assemblée nationale constituante pour la révision de la loi de finances 2014 en adoptant une loi de finances complémentaire, faisant savoir que cette demande est restée sans réponse. Dans un communiqué rendu public, l'Organisation a précisé que la nouvelle loi de finances rendra la vie plus difficile aux «catégories consommatrices de manière générale, notamment les classes vulnérable, pauvre et moyenne». Cette loi aura «un impact négatif sur la demande intérieure, le développement et la création de richesses et d'emplois», a-t-elle encore indiqué. L'ODC a, également, exprimé son mécontentement de l'absence de mesures parallèles au profit des catégories sociales précitées, à la lumière de l'augmentation prévue des taux d'inflation et de l'indice général de la consommation familiale dans le cadre «d'un marché libre marqué par la montée de l'anarchie et de la spéculation». L'Organisation a réitéré son intention de réclamer au nouveau gouvernement l'adoption d'un budget complémentaire à même de rendre la confiance au consommateur et d'alléger les charges pesant sur lui et sur l'économie du pays. Déception de l'Utica Pour leur part, les membres du bureau exécutif de l'Utica ont exprimé, à la suite de la réunion périodique du bureau exécutif tenue sous la présidence de Wided Bouchamaoui, dans un communiqué daté du lundi 30 décembre dernier, «la déception de l'organisation patronale, suite à l'adoption de la loi de finances 2014, par l'Assemblée nationale constituante (ANC)». Ainsi, l'Utica a critiqué la manière dont ont été adoptés certains articles, estimant que «cette loi aura des impacts négatifs sur l'investissement, l'exportation et l'emploi», d'autant plus qu'elle «n'a pas pris en considération les conditions difficiles des entreprises économiques». Pour elle, «la version de la loi de finances 2014, qui a été adoptée, n'était pas à la hauteur des défis qui se posent au pays et pourra être à l'origine de nouvelles difficultés pour les entreprises», malgré «les efforts déployés par l'Utica et les concertations menées avec toutes les parties concernées». «Cette loi de finances contribuera à accroître la pression fiscale sur les entreprises organisées, implantées légalement, surtout en l'absence de mesures de lutte contre l'économie informelle», a précisé l'Utica, relevant à ce propos «les effets négatifs qu'aurait toute nouvelle augmentation des prix de l'énergie sur la compétitivité des sociétés». Le même document a fait état, aussi, «des menaces que fait peser cette loi, sur le secteur du bâtiment et de la promotion immobilière, ainsi que sur les petits métiers et l'artisanat». «La loi de finances 2014 a permis d'imposer des dispositions fiscales structurelles, qui devraient figurer dans le projet de réforme du système fiscal national». Les membres du bureau exécutif ont estimé, aussi, que «le timing de l'application de certaines mesures concernant les sociétés totalement exportatrices est quasiment inapproprié, eu égard à la situation du pays et au besoin avéré d'attirer de nouveaux investisseurs et de renforcer la présence de ce genre d'entreprises en Tunisie». L'Utica a appelé à «prendre en considération ses recommandations et à bien préparer le projet de la loi de finances complémentaire, lequel devra être adopté le plus rapidement possible». Lassaâd Dhaouadi, membre du groupement professionnel des conseillers fiscaux de l'Association fiscale internationale et de l'Institut des avocats conseils fiscaux en France, estime que la réforme du système fiscal est une «mascarade» et que les nouvelles mesures concernant la taxation des véhicules n'est en rien constitutionnelle parce qu'elle ne fait qu'appauvrir la classe moyenne. «Les propriétaires de yachts de 2000 chevaux et plus ne sont pas concernés par cette taxe. Ils ne paieront rien alors que leurs yachts consomment le plus de carburant», souligne Lassaâd Dhaouadi, ajoutant que cette loi de finances 2014 est «vide, médiocre, dangereuse et marquée par la fuite en avant. Le dispositif de lutte contre la fraude fiscale et le blanchiment d'argent n'a pas été prévu alors qu'il coûte annuellement des milliers de milliards».