Le secteur de la poterie et de la céramique emploie 350 mille artisans, soit 11% de la population, génère 4% du PIB et engendre 450 millions de dinars d'exportation indirecte et 50 millions de dinars d'exportation directe. Et pourtant, il est en danger. Outre sa participation à la promotion du tourisme, la poterie et de la céramique fait partie du patrimoine et de l'identité tunisienne sans compter que ce secteur est un catalyseur social dont les potentialités d'exportation sont non négligeables puisqu'il engendre des rentrées de devises pour le pays. A titre d'exemple, «un tableau de mosaïque s'est vendu à 3000 euros, équivalent à 60 ans de vente de tomates», fait remarquer Afif Jrad, directeur chargé de projet et de coopération à l'Office national de l'artisanat (ONA). Or, ce secteur porteur est menacé de disparition en raison de «défaillances au niveau de la formation professionnelle et une relève non assurée dans les domaines de la poterie, la céramique et la fibre végétale», relève-t-il. De 76 corps de métiers, il ne reste plus de nos jours que 16 à 17 spécialités. «Le secteur souffre également de problèmes de matières premières qui n'existent plus ou qui sont de mauvaises qualité, sans oublier l'inexistence d'une structure de contrôle de la qualité des produits fabriqués», selon le directeur de l'ONA. «La consommation d'argile a aussi baissé. Elle est de 200 tonnes par jour sur tout le pays alors qu'elle peut atteindre les 400 tonnes par jour si la capacité d'exportation augmente» indique Habib Chabbouh, président de la Chambre nationale de la poterie artisanale. Et d'ajouter que le secteur est handicapé au niveau du manque terrible de la main-d'œuvre spécialisée du fait de la formation professionnelle déconnectée par rapport à la réalité. «Il y a plus de cadres que d'ouvriers spécialisés» précise-t-il. La matière première fait défaut Par ailleurs, le secteur de la poterie et de la céramique est diminué à cause des importations sauvages en provenance de la Chine. «En 2010, 2000 conteneurs ont débarqué au port de Radès avec des produits d'artisanat dont prolifèrent notamment les marchés parallèles», constate le président de la CNPA. Quant à la matière première, notamment le produit de base : l'argile, il est en baisse considérable. L'argile de Tabarka, le plus exploité, devient périssable lors de son transport parce qu'il sèche rapidement plus du fait que les Tabarkois veulent eux-mêmes l'exploiter, ce qui met en difficulté les artisans d'autres régions, en l'occurrence Nabeul, l'un des pôles de la fabrication de la poterie et de la céramique. «Nous lançons un appel aux autorités compétentes pour qu'elles débloquent les autorisation d'exploitation de carrière». D'autre part, les ressources énergétiques, essentiellement le gaz, ne sont pas fournis à des prix préférentiels. «Nos artisans paient le gaz au même titre que certains particuliers pour chauffer leur piscine», note Habib Chabbouh. Au niveau de la qualité du produit fini, l'absence de contrôle contribue à la réduction de ces produits dont 80% sont destinés à l'exportation vers les Etats-Unis, l'Europe, l'Algérie, la Libye, l'Allemagne, etc. Le certificat de conformité attribué par l'Innorpi n'est pas à lui seul suffisant. «Il est urgent de mettre en place un laboratoire spécialisé», recommande le président de la CNPA. Blocage du projet de laboratoire Aujourd'hui, trois conditions sont indispensables pour garantir la vente du produit d'artisanat. Il s'agit selon le directeur de l'ONA, de l'identité définie par des experts de l'Institut national du patrimoine (INP) qui n'ont pas encore travaillé sur tous les thèmes ; une main-d'œuvre qualifiée et de haut niveau mais qui fait défaut et des matières premières de premier choix qui sont soit de mauvaise qualité, ou qui n'existent pas. «Nous sommes convaincus de la nécessité de l'existence d'un laboratoire destiné au contrôle a priori et posteriori de la qualité de la poterie et de la céramique. D'ailleurs, le projet a été retenu. Son lieu est à Nabeul. Le budget d'aménagement alloué à ce projet est de 100 mille dinars au titre de l'année 2013 et le budget de l'équipement est estimé à 300 mille dinars. Une convention a été signée entre l'ONA et le Centre international de technologie et d'environnement de Tunis (Citet) sauf que l'avancement des travaux est bloqué par le nouveau PDG de l'ONA qui estime que ce projet n'est pas une priorité», affirme Habib Jrad.