• Porter le taux d'encadrement à 10% permettra de créer 4.000 postes d'emploi • A l'instar de l'agriculture et de la pêche, les artisans revendiquent des tarifs préférentiels de l'énergie pour maîtriser les coûts de revient Un savoir-faire hérité de père en fils, des matières nobles, des prix accessibles et une demande mondiale croissante : tous les préalables semblent être réunis pour que les produits de l'industrie de la céramique connaissent un bel essor. En effet, la poterie tunisienne dispose d'avantages comparatifs de taille. Pourtant, le secteur n'arrive pas encore à décoller. Le niveau des exportations est largement en deçà des attentes des producteurs ainsi que des besoins du marché. Conscients des potentialités du secteur, les membres de la Chambre nationale de la céramique se sont réunis récemment, à Nabeul, pour discuter des meilleures approches en vue de promouvoir la poterie et de valoriser les nouvelles créations. Lors de cette première réunion, le président de la chambre, M. Habib Chabbouh, a précisé que l'objectif des travaux est d'établir une feuille de route pour redonner des couleurs à la poterie tunisienne, en concertation avec tous les partenaires, publics et privés. A cette occasion, il a exhorté ses confrères à améliorer le taux d'encadrement de leurs ateliers. L'enjeu est double : performance et citoyenneté. Outre la résorption du chômage, le recrutement de cadres contribue à l'amélioration de la gestion opérationnelle et stratégique des entreprises. La taille critique des artisans potiers handicape les exportations «Par où commencer ?», s'interroge M. Wassim Charrada, exportateur sur le marché américain. Le secteur, ajoute-t-il, mérite une révision profonde pour bénéficier de toutes ses richesses. Il a révélé ici qu'il est dans l'impossibilité d'honorer une commande de 50 mille assiettes. Ce qui représente un manque à gagner considérable. Il ajoute qu'il a recherché en vain la liste des artisans, indiquant leur spécialité, leur capacité de production, leurs coordonnées… Partageant l'avis de Wassim, les potiers ont déploré par ailleurs les contraintes imposées par l'Office national de l'artisanat (ONA) en matière d'exportation. «C'est juste une étape de plus pour accomplir la démarche», précise l'exportateur. En revanche, les membres réunis ont manifesté leur volonté de développer avec l'ONA une base de données détaillées et actualisées des artisans, ainsi qu'un portail électronique dynamique pour soutenir les efforts des exportateurs. Sur le plan qualitatif, les professionnels évoquent le problème de la certification. Selon la majorité, la synchronisation des normes de qualité avec les standards internationaux est plus que jamais exigée. Mieux encore, à moyen terme, ils aspirent à une labellisation des produits tunisiens. Pour ce qui est du marché domestique, le domaine souffre de la concurrence déloyale des opérateurs clandestins et de l'importation anarchique des produits de céramique, en particulier avec les imitations des produits traditionnels tunisiens. L'un des professionnels suggère une cotisation de 50 dinars par an et par artisan pour enregistrer toutes les nouvelles créations. Ainsi, fait-il valoir, ils seront en mesure de poursuivre les contrevenants et d'interdire la vente des produits contrefaits. Avec amertume, tout le monde s'est rappelé la cage de Sidi Bou Saïd, dont la production et la commercialisation dans le monde est le monopole d'un japonais, propriétaire du brevet. Sur un autre plan, statistiques à l'appui, le président de la chambre a rappelé que «depuis 1982, aucun des artisans potiers n'a eu le premier prix !». Selon les professionnels, il est grand temps de réviser la participation aux salons et aux foires. Le renchérissement des facteurs de production La qualité et le coût des produits sont largement tributaires, en dehors du travail artistique, de la catégorie des matières premières utilisées. Or, de nos jours, les artisans trouvent d'énormes difficultés à s'approvisionner en matières premières de base, notamment en argile et en peinture. Selon les artisans, les carrières de Tabarka, principale source d'argile pour la poterie, sont épuisées par les industriels qui consomment les 2/3 des extractions. Les artisans sont très sceptiques quant à la phase post-Tabarka. D'ailleurs, à défaut de matières premières, ces artisans risquent de se retrouver au chômage. A l'heure actuelle, les prix de ces matières, notamment l'argile, ne cessent de grimper tandis que la qualité, de son côté, laisse à désirer. M. Saïd, représentant des jeunes potiers, précise que ces coûts supplémentaires ne peuvent se répercuter sur les prix de vente. Par conséquent, c'est la marge bénéficiaire des artisans qui est à réviser à la baisse. Pis encore, les prix continuent de chuter sur le marché en raison de la prolifération des produits de la concurrence sauvage et de l'élargissement du marché parallèle. M. Chabbouh rappelle que les professionnels ne bénéficient pas des avantages prévus par le code d'incitation aux investissements. Certains insistent sur le flou et la lenteur des procédures. D'autres ignorent tout simplement l'existence des subventions et les avantages prévus. De toute évidence, il faut simplifier les procédures d'octroi des avantages. Le président de la chambre nationale note que la carte d'artisan serait suffisante pour bénéficier des avantages financiers et fiscaux, sans qu'il soit nécessaire de passer par une lourde bureaucratie. De même, étant dépourvus d'assise financière, les professionnels ont un fort besoin d'un financement bancaire souple, notamment pour le fonds de roulement et les voitures utilitaires. Pour ce qui est des coûts d'exploitation, les potiers revendiquent des tarifs préférentiels en matière d'énergie, gaz et électricité, à l'instar des agriculteurs et des pêcheurs.