Par Maître H'mida Heikel FOURATI (*) Depuis une dizaine d'années et a fortiori au lendemain de la révolution, tous les présidents de gouvernement et tous les ministres des Finances qui se sont succédé se sont évertués à déclarer haut et fort qu'il était plus qu'urgent de procéder à une réforme fiscale en vue de répondre au moins à 4 objectifs : – Instaurer plus de justice sociale – Assurer une répartition équitable de la charge fiscale – Mettre en place un système fiscal efficace assurant à l'Etat des ressources sûres et permanentes – Faire que le système fiscal soit attractif et incitatif pour qu'il emporte l'adhésion du contribuable à l'obligation fiscale. Or, voilà que le Code électoral, aujourd'hui en pleine préparation par nos représentants à l'ANC, nous donne une excellente occasion pour voir se réaliser, au moins en partie, les 4 objectifs cités plus haut. L'idée est simple mais ô combien symbolique! Elle pourrait même être une fantastique entrée en matière à une vraie réforme fiscale : Il suffit que soit exigée de tout candidat à toute élection présidentielle, législative ou municipale et bien entendu à tout candidat aux 3 prochaines élections prévues pour 2014 et 2015, la présentation de ses déclarations de revenus et de ses quittances de règlement des impôts et taxes y relatifs (Irpp, revenus fonciers, revenus agricoles, TVA, TCL, taxes municipales, etc.) au titre des 4 derniers exercices, c'est-à-dire les exercices 2010 à 2013 non encore prescrits selon le Code des droits et procédures fiscaux. Ce qui est ainsi recherché est clair : s'assurer que tous les candidats aux différentes élections sont à jour de leurs obligations fiscales. Il ne s'agit pas de ce qui est couramment appelé «quitus fiscal». Il ne s'agit pas d'aller jusque-là. Il s'agit tout simplement de s'assurer que le candidat a effectivement répondu à ses obligations fiscales. Outre sa force pédagogique et son sens de l'exemplarité, cette disposition s'inscrit de toue évidence dans la logique de l'article 11 de la nouvelle Constitution qui prévoit la déclaration des biens de tous les élus, les membres du gouvernement ainsi que les membres des institutions constitutionnelles indépendantes. N'est-ce pas là le premier des devoirs auquel est tenue toute personne ayant l'ambition de représenter, à des degrés divers, la Tunisie et les Tunisiens? N'est-ce pas là une disposition qui met à égalité tous les candidats devant l'impôt? N'est-ce pas là une règle première de démocratie, de civisme et de solidarité? N'est-ce pas là une preuve réelle d'adhésion totale et entière à une collectivité, à ses règles et à ses valeurs? M. Chafik Sarsar, président de l'Isie, dans une interview donnée dimanche dernier à un quotidien de la place, exprimait sa préoccupation de savoir comment renforcer l'arsenal juridique pour maximiser la transparence du processus électoral. Il rejetait avec force toute disposition ou absence de disposition qui pourrait altérer le caractère démocratique des élections. Notre proposition d'essence fiscale peut valablement faire partie des conditions de validité de toute candidature à une élection. Elle est en parfaite cohérence et en symbiose totale avec les préoccupations exprimées à juste titre par le président de l'Isie. Notre proposition se retrouve pleinement dans les déclarations exprimées lors du forum des recherches économiques tenu la semaine dernière au Caire où Monsieur John Roemer, chercheur à l'Université de Yale, lançait tout haut ce slogan : «Sans justice fiscale, il n'y a point d'égalité de chances». Enfin, pour être complet, mature, cohérent et peut-être juste, pourquoi ne pas généraliser cette disposition d'ordre fiscal et la rendre obligatoire pour tout candidat aux multiples et diverses élections organisées en TunIsie? Nous pensons aux élections concernant le Conseil supérieur de la magistrature (hors les magistrats), l'Isie, les conseils municipaux, le Comité de vigilance et des libertés, la Haica, l'Instance des droits de l'Homme, l'Instance du développement durable et des droits des générations futures, l'Instance de la bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, les conseils régionaux, les conseils de districts, etc. Ces dizaines de milliers de candidats ne devraient-ils pas donner l'exemple en matière de transparence et de civisme? Ne devraient-ils pas être les premiers instigateurs d'une vraie réforme fiscale? Que nos représentants à l'ANC, que le président de l'Isie et que toute personne éprise de justice et de solidarité s'impliquent pour faire introduire cette disposition d'essence fiscale dans le nouveau code électoral. Cette exigence donnerait à ce code électoral une splendeur et un retentissement d'une intensité égale à celle à laquelle a eu droit notre nouvelle Constitution. Elle donnera à coup sûr un signal fort à toute réforme fiscale et une ferme détermination à faire du devoir fiscal une véritable preuve de civisme. Alors, de grâce, Mesdames et Messieurs de l'ANC, allez-y! Commencez par le commencement ! (*)Avocat près la Cour de cassation