Par Soufiane Ben Farhat Les journaux et agences de presse sont parfois étranges. Ils agissent à la manière de ces personnes si empressées d'apporter les mauvaises nouvelles. Les bonnes, on les tient sous le boisseau, ou on en minimise la portée. Selon les derniers chiffres du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), les flux d'immigration clandestine sont en nette baisse en Europe. La réduction des arrivées de bateaux bondés d'immigrés clandestins varie, selon les destinations, de 50 % et 95 % pour la période 2009-2010. Malte recevait bien chaque été, de 1.500 à 3.000 migrants clandestins. Depuis le mois de mars, pas une seule embarcation ne s'est échouée sur ses côtes, aux dires des autorités. Du coup, Malte s'est tout simplement retirée dès avril des opérations conjointes avec l'Agence européenne aux frontières extérieures (Frontex). En Italie, même topo, surtout sur l'île de Lampedusa. Les flux d'immigration clandestine ont baissé de 94 % entre 2009 et les six premiers mois de 2010, selon le HCR. Et encore, les chiffres de l'année 2009 y étaient un véritable record en termes de baisse. De 22.000 migrants clandestins en 2006, l'Italie a enregistré 19.900 immigrés clandestins en 2007 et seulement 8.700en 2009. L'Espagne n'est pas en reste. Les débarquements d'immigrés sur ses côtes ont atteint un "minimum historique", selon des médias relayant des sources autorisées. L'exemple est édifiant. Seulement 126 immigrés ont débarqué en Espagne par voie de mer en janvier et février 2010, ce qui représente "91% de moins" par rapport à l´année précédente. Il ne faut pas se leurrer. Ce n'est pas tant la sévérité des contrôles rigoureux aux frontières européennes qui est en jeu que la crise. Les baisses records sont dues essentiellement aux déficiences du marché du travail en Europe. Des ONG étayent des arguments pour le moins inédits et surprenants. Elles accusent l´UE de charger des pays africains d'endiguer à la source les départs de bateaux d'immigrés clandestins en échange d'aides à la coopération. Selon ces ONG, les marchés conclus en la matière sembleraient peu regardants sur le respect des droits de l'Homme. Accusations d'ONG ou pas, le fait est on ne peut plus manifeste. L'Europe ne dégage plus–du moins momentanément– l'image d'opulence qui la faisait tant convoiter par les hordes d'immigrés clandestins issus principalement de l'Afrique sub-saharienne et tropicale. Pour ceux-là, la logique est sommaire: si la richesse ne vient pas vers nous, nous montons à l'assaut de la richesse. Jusqu'à il y a peu, l'Europe était entourée d'un halo d'opulence à tout vent. Les jeunes désespérés traversaient les immensités dangereuses du Sahara pour gagner l'Europe via le Maghreb. Lequel Maghreb, tout en fournissant un contingent de candidats à l'immigration clandestine, officie essentiellement en tant que vaste zone de transit. Aujourd'hui, le drame est partout. A l'échelle de la représentation, l'Europe a perdu d'attrait aux yeux des jeunes et des moins jeunes Africains. Bien pis, on assiste à un mouvement inverse. Nombre d'Européens se hasardent de plus en plus à chercher refuge du côté de l'Afrique du Nord et de l'Afrique Centrale. C'est un fait patent, qu'on retrouve surtout du côté des franges âgées et des personnes les plus démunies. Ce n'est pas encore une tendance massive, mais ce n'en est pas moins une disposition tenace bien que peu spectaculaire. Des études appropriées et sérieuses y sont même consacrées. Les malheurs des uns font le bonheur des autres ? On serait tenté d'y souscrire. Ne fut l'impérialisme de cette crise profonde qui frappe indistinctement. Ici comme ailleurs, la maxime d'Anaxagore de Clazomènes se vérifie: rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. En fait, les pays maghrébins et africains en général résistent mieux à la crise qui secoue le monde en profondeur, selon les analystes les plus sérieux et impartiaux. Et la crise semble freiner net l'immigration clandestine en Europe. Précisément.