Lampedusa est la plus méridionale de toutes les terres italiennes. Cette roche de 20 km2 est à 205 km de la Sicile, mais à seulement 167 km des côtes tunisiennes (de Ras Kaboudja, près de Monastir).Sa proximité de l'Afrique fait de cette île un point privilégié pour les candidats à l'émigration clandestine. Généralement, prévenus par téléphone satellitaire de l'approche des migrants, la brigade financière et les carabiniers les interceptent et leur assurent l'escorte jusqu'au port. Les embarcations de fortune sont alors stockées dans le bassin du port pendant quelques heures avant d'être transportées par camion vers un terrain vague servant de cimetière. Quant aux migrants, ils sont alors acheminés par bus au centre de premier accueil (CPA) géré par une coopérative privée à hauteur de 33 euros par tête et par jour ; ils sont soumis ensuite aux procédures d'identification avant de recevoir les premiers soins d'urgence. Après soixante-douze heures de séjour à Lampedusa, ils sont transférés, par bateau ou par avion, en Sicile, en Calabre ou aux Pouilles où ils sont accueillis dans des centres plus grands et mieux structurés, et où ils attendent de se faire délivrer un permis de séjour provisoire de cinq jours. Une aubaine pour ces jeunes migrants qui n'ont d'autres projets en tête que de rejoindre, le plus souvent en France, un proche parent ou des amis du quartier ou du village déjà en place. La tension monte L'intensification des débarquements d'immigrants clandestins à Lampedusa suscite une vive inquiétude au sein de la population locale qui ne cache pas sa colère et son indignation autant à l'encontre de leur gouvernement et de l'Union Européenne que contre les immigrants. La polémique est virulente au vu de l'extrême complexité de la situation : 3000 migrants sont actuellement dans l'île, or le centre de rétention, ne disposant que de 850 lits, n'est conçu que pour accueillir 1200 personnes ; cependant, aux yeux des insulaires, leur gouvernement n'agit pas avec la célérité requise pour juguler ce flux croissant des migrants et ils déplorent la lenteur et l'inefficacité des opérations de rapatriement, dues à l'insuffisance de la flotte des bateaux mobilisés à cet effet et à l'annulation de 160 vols des 300 prévus. Les embarcations chargées de migrants en provenance de la Tunisie continuent à déferler sur le port de Lampedusa, ce qui fait craindre aux habitants la perspective d'une crise humanitaire qui multiplierait les annulations des touristes pour Pâques et compromettrait la saison touristique estivale. Nos jeunes continuent à braver les risques en se lançant dans une aventure périlleuse eu égard aux difficultés de la navigation en pareille saison ; de l'autre côté, les six mille habitants de Lampedusa, exaspérés par le mutisme de l'Europe et l'inefficacité de l'action gouvernementale, et se sentant seuls et abandonnés face à cette crise humanitaire qui se dessine à l'horizon, semblent décidés à faire entendre leur voix. La tension est montée d'un cran vendredi, 18 mars, tard dans l'après-midi, lorsqu'une centaine de citoyens de Lampedusa a rejoint le môle de Favaloro dans l'île et ont empêché par tous les moyens, menaçant de se jeter à l'eau, une vedette de la capitainerie du port d'accoster avec 116 migrants secourus auparavant aux larges de l'île. Les jours à venir ne seront pas de tout repos pour nos jeunes compatriotes candidats à l'émigration clandestine, qui s'entêtent malgré tout à se lancer dans une aventure périlleuse et humiliante ; ceux de l'autre côté, les insulaires à Lampedusa eux aussi, s'entêtent à s'opposer à tout débarquement tant que le contingent de réfugiés existant n'aura pas été rapatrié.