Dans le cadre du Mois du patrimoine, inscrit cette année sous le signe du patrimoine immatériel, le club Tahar-Haddad a concocté une programmation portant sur les minorités en Tunisie : leurs cultures et leurs savoir-faire. Du 2 au 8 mai, le centre culturel Tahar-Haddad a célébré un aspect de la «culture noire» de Tunisie, à savoir le rite spirituel, musical, festif et curatif «le Stambali» : une mémoire, des croyances, des traditions ont été évoquées durant près d'une semaine, à travers une table ronde présentée par le professeur Lamjed Rhaiem, autour du thème du «patrimoine musical du Stambali ». Mais il y avait aussi le spectacle «Châabania», présenté par la troupe de Sidi Ali Lasmar, la procession « Ifriqyet» par la troupe Donga music, sous la direction du Cheikh Chedly Bidali et la collaboration de Moez Kaabechi, ainsi qu'une exposition d'œuvres, pièces, photos, et instruments de musique, venus de la collection de la Zaouia de Sidi Ali Lasmar (Bab Jedid). Le Stambali est, en effet, un rite d'exorcisme musico-thérapeutique rattaché à la communauté noire tunisienne et maghrébine. Il mêle musique, danse et chant. La transe en est la principale manifestation. Cette pratique, que certaines théories rapprochent du Vaudou, s'est vue islamisée à travers le culte de certains savants et marabouts, tels que Sidi Ali Lasmar. Sadok Rezgui, dans son ouvrage « Les chants tunisiens », décrit ce rite comme une « sorte de fête à laquelle se livrent des noirs tunisiens et où se mêlent danse et sons instrumentaux à un rythme effréné». La tradition s'est perpétuée des siècles durant, épousant de nouvelles formes plus folkloriques et plus spectaculaires, mais qui sont devenues objets de recherche pour les musicologues qui puisent dans ce savoir-faire ancestral pour proposer rythmes, modes et cadences... Le travail entrepris par certains en vue de la conservation de cet héritage musical et ethno-musical permet de redorer le blason de cette partie obscure de l'identité tunisienne. Et plusieurs approches scéniques et musicologiques ont mis en avant la richesse de cette culture, sa dimension identitaire et ses différentes manifestations dans une société hétéroclite et multifacette. Dans le "stambali" , il y a certes le show, le spectacle, le sensationnel, tout ce qui est invocation des esprits, danse, transe, mais il y a aussi la musique, le rythme, le chant et les instruments : une si belle matière à étudier et à conserver qui fait partie intégrante de notre culture. Toutefois, avec cette population vieillissante des Maîtres (Maalem), maîtres de cérémonie et maîtres du Gombri - instrument de base du "Stambali" -, ce patrimoine est menacé de disparition. Tout un savoir-faire, entre cérémonie et musique, instruments restés méconnus et formes traditionnelles de spectacle, est voué à la perdition... C'est une partie considérable d'un patrimoine immatériel que les générations futures risquent de ne pas connaître. L'initiative du club Tahar-Haddad est bien évidemment salutaire, mais il serait temps qu'un vrai travail d'anthropologie musicale soit mis en place pour, au moins, assurer des enregistrements de ce patrimoine en péril.