Il est des manifestations culturelles, musicales ou autres , qui laissent chez le spectateur des traces indélébiles. Une telle constatation est en rapport direct avec le contenu ,l a profondeur et l'originalité de la création en question. C'est le cas de la dernière production de Abdelkerim El Basti que nous avons eu l'occasion et le plaisir de voir à Sousse et qui s'intitule "Angham Ezzarda".
Outre l'idée initiatrice, El Basti a dû mettre à la disposition de son équipe des moyens colossaux et lui consacrer le temps nécessaire pour que ce travail arrive à ce niveau de perfection. Il y a lieu de rappeler que cet artiste a déjà participé à Carthage en 1994, à " El Kafla" évocatrice d'une certaine variété radiophonique "Gafla Tsir" qui passait tous les vendredis avec la participation du fameux chanteur populaire Ismail El Hattab. Egalement, étant originaire du célèbre quartier "Bab Souika", il a dû puiser, à travers son entourage et son expérience personnelle, dans la réserve des diverses composantes des arts tunisiens. C'est alors qu'il enchaina avec une série de productions.
"Angham Ezzarda" est un méga-spectacle conçu avec l'idée de mettre en exergue une certaine évolution, ou modernité, de la musique soufie et liturgique tunisienne. C'est une occasion de dépoussiérer le patrimoine musical tunisien avec , cependant, une vision différente des précédentes. Le contenu de cette production est très varié. Nous y trouvons essentiellement du "Rboukh",du "Stambali", de la "Soulamia",de la "Aissaouia" et autres chants populaires tunisiens.
A Sousse, ils étaient 34 artistes sur scène dirigés tantôt par A. El Basti, tantôt par Khaled Snoussi. Ce dernier est l'un des meilleurs musiciens tunisiens, ses débuts ayant été faits avec l'orchestre symphonique tunisien d'Ahmed Achour (actuellement dirigé par Hafedh Makni) . Par ailleurs, il a participé à l'élaboration de plusieurs grands spectacles parmi lesquels nous citons "Ennouba","El Hadhra","Zgonda et Azzouz"et autre "Banni Banni". L'instrument cher à K. Snoussi est l'aubois (spécialité du rossignol brun Abdelhalim Hafedh).
Ce spectacle, qui a duré cent -trente minutes, fut entamé par un tour de scène, tapissée de "margoum", d'une jeune artiste, vêtue de blanc et au visage déguisé, soulevant le drapeau tunisien. Il s'en suivit l'entrée en matière de l'orchestre, des chanteurs et de la chorale, portant tous des tenues traditionnelles claires. Côté instruments de musique, il y en avait de l'oriental (violon, tar, bendirs,...), de l'occidental, (claviers, batterie...) et du traditionnel propre au "Stambali"(gombri et chkacheks).
L'interprétation des "Ibtihels","Douaa","Soulamia" avec l'évocation de Sidi Bouali et Sidi Abdelkader, chants populaires et autres d'inspiration nègre, fut confiée essentiellement au chevronné Noureddine El Bèji , Fathi El Ouerghi et Mourad Garrache . Mais nous tenons à mentionner la très belle prestation de la jeune étudiante Nahla Chaabani qui brilla par son charisme et sa voix forte et cristalline. Egalement, nous ne pouvons occulter la présence remarquable de Chadli Bidali , le grand spécialiste du gombri.
Une chorégraphie de bonne facture nous a permis d'apprécier les interludes dansants exécutés par des jeunes (filles et garçons) vêtus de blanc et soulevant par moments des drapeaux colorés de vert , rouge et blanc.
Il y a lieu également de relever le bon choix des tenues vestimentaires féminines avec une mention particulière pour le noir (à la Bousaadia ) et le haut rayé de blanc et de bleu (rappelant la célèbre artiste tunisienne Fadhila Khitmi).
En somme, à Sousse, ceux qui ne s'étaient pas déplacés pour voir "Angham Ezzarda" avaient tort. De telles productions devraient être encouragées par notre ministère de la culture afin de leur permettre de se produire dans les différentes régions de notre pays.
Nous avons tous intérêt à ce que nos jeunes reprennent contact avec leur patrimoine artistique duquel ils s'éloignent de plus en plus .Il est vrai que certaines radios et autres chaines satellitaires ne leur ont pas laissé beaucoup de choix.
Nous pensons que des œuvres comme celles de F. Jaziri et A. El Basti pourraient avoir, ne serait-ce qu'en partie, l'impact souhaité.