Il ne faut guère se leurrer. Ce qui se trame, ce qui a lieu, ce qui est escompté est en étroite relation avec les desseins scabreux et macabres de la nébuleuse terroriste transnationale d'Al Qaïda et de ses nombreuses ramifications et déclinaisons. Les observateurs sont interloqués. La facilité avec laquelle le groupe terroriste a attaqué avant-hier peu avant minuit la résidence du ministre de l'Intérieur en plein centre de Kasserine est déconcertante. Quoi qu'on en dise, le dispositif sécuritaire s'est avéré poreux. Le carnage a été aussi désastreux qu'inexpliqué. Une chose est sûre, plus d'une année après avoir fait le maquis au jebel Chaambi, pour en faire un sanctuaire, les terroristes bénéficient toujours de facilités à Kasserine. Qu'il s'agisse de l'information, du grenouillage, de l'approvisionnement ou de l'appui logistique, ils se meuvent dans les parages comme un poisson dans l'eau. Au nez et à la barbe des forces supposées leur livrer une guerre sans merci. Ne nous y trompons pas. Cette facilité cache peut-être des compromissions. Ou une sous-évaluation de la nature du combat en lice, frisant l'incompétence caractérisée. On est tout de même frappé par la léthargie, voire l'impuissante anesthésie des forces de l'ordre dans cet épisode meurtrier particulièrement sanglant et cruel. On peine à croire qu'il y ait eu quelque riposte, tellement le bilan des pertes est pour ainsi dire unilatéralement désastreux. Le ministre de l'Intérieur, M. Lotfi Ben Jeddou, a bien affirmé hier que les dernières déroutes des terroristes ont enfanté une certaine léthargie auprès des forces de sécurité. Peut-être bien, quoique l'argument ne soit guère de nature à convaincre de prime abord. Sans doute faudrait-il fouiller du côté des dispositifs de la police parallèle, des complicités ou du grenouillage des forces de sécurité, dont bénéficient les terroristes. Un faisceau d'indices porte à le croire. Nous l'écrivions sur ces colonnes il y a deux jours : «Les terroristes...se sont avisés de faire élargir la cible de l'attaque en vue de brouiller la charge antiterroriste mise en branle. Les tentatives de créer des foyers de tension armée à Djerba, au Sud ou ailleurs s'inscrivent dans cette optique de dispersion des forces gouvernementales. Pour ce faire, les terroristes mobilisent le ban et l'arrière-ban. Quitte à injecter en toute hâte auprès des cellules dormantes les recrues entraînées en Libye voisine. Ce qui semble le cas avec le groupe de Médenine démantelé en cours du week-end. Il ne faut guère se leurrer. C'est une bataille à la vie à la mort». Oui, répétons-le. Il ne faut guère se leurrer. Ce qui se trame, ce qui a lieu, ce qui est escompté est en étroite relation avec les desseins scabreux et macabres de la nébuleuse terroriste transnationale d'Al Qaïda et de ses nombreuses ramifications et déclinaisons. Elle est opérationnelle tant en Irak et en Syrie qu'en Egypte, en Libye, au Mali, en Algérie et sous nos cieux. Il faut être un aveugle pour ne pas le voir, pour ne pas le constater. Amèrement le plus souvent. Nous attendons des explications franches, claires et exhaustives de la part des hauts responsables gouvernementaux. C'est la moindre des choses. Les Tunisiens sont estomaqués. Leur sainte colère ne saurait être dissoute dans les faux-fuyants et les subterfuges consistant à noyer le poisson. Parce que, en temps de guerre, nous avons besoin de vrais chefs de guerre et non point d'anesthésistes en chef.