Retour poignant sur un « jeudi noir » et sur une de ses victimes... L'événement, organisé mercredi dernier par El teatro-Aire libre et Inspired Prod, qui annonçait, outre le vernissage de l'exposition collective «Ici et Maintenant», l'avant-première des films «Ici et Maintenant» de Abdallah Chamekh et «Hiver 78» de Olfa Najari, a drainé un grand public composé d'artistes, d'amateurs d'art, de syndicalistes, de journalistes et autres habitués de l'espace. Le temps de terminer les dernières finitions de l'exposition, Mahmoud Chalbi a convié ses invités dans la salle de projection. Premier film projeté, celui de Olfa Najari : un poignant témoignage sur les événements liés au fameux «jeudi noir» et sur une figure du syndicalisme tunisien, Saïd Gagui, broyé sous la machine dictatoriale au temps de Habib Bourguiba. Le film, images d'archive à l'appui, revient sur les événements violents et sanguinaires du «jeudi noir» qui ont eu lieu en Tunisie, et plus spécifiquement à Tunis, à la fin janvier 1978. Une grève générale, la première depuis l'Indépendance du pays, est alors organisée par l'Ugtt et vient souligner le grand fossé qui séparait le mouvement syndical tunisien et le pouvoir en place. Avec les «émeutes du pain» en 1984, ce soulèvement est l'un des deux plus importants de la Tunisie indépendante sous la présidence de Habib Bourguiba. L'on a dénombré, selon certaines sources, dans cette journée du 26 janvier 1978, plusieurs centaines de morts et 1.000 blessés. Le pouvoir en place, dans sa volonté de briser l'élan syndicaliste, s'en prend alors à ses figures emblématiques et autres meneurs. Ce fut le cas, entres autres, de Saïd Gagui, qui fut emprisonné dans des conditions effroyables pour subir les pires des tortures. Rien n'a arrêté le sadisme policier, pas même le cancer qui commençait à faire ravage dans son organisme... Malmené jusqu'au bout, son état de santé s'étant détérioré, plusieurs hôpitaux refuseront de l'hospitaliser, témoignent, dans le documentaire, des syndicalistes qui partageaient sa cellule et les membres de sa famille qui ont vécu le drame. L'hôpital de la Rabta le prend en charge suite à une grève de la faim décrétée par ses camarades et autres pressions. Mais c'était trop tard pour Saïd Gagui... Pour se déresponsabiliser ses bourreaux finissent par le libérer sous condition. Une libération que le syndicaliste contestera jusqu'à sa mort. Les témoignages poignants de ses filles nous disent long sur le courage, la détermination et la soif de liberté de ce militant qui, parmi tant d'autres, paya le prix fort. Pas le temps de laisser passer l'émotion et voilà que l'on nous projette le documentaire «Ici et Maintenant», de Abdallah Chamekh. Mahmoud Chalbi, ou Mach, unique interlocuteur en sa qualité de galeriste et d'«agitateur culturel», y parle, avec le franc-parler qu'on lui connaît, du rôle de l'art dans le mouvement de résistance, de cette philosophie de «L'ici et Maintenant», du vivre présent... Les jardins et autres cimaises de l'espace «Sadika» de Gammarth où se déroulent, in situ, les interventions de différents artistes et autres expositions animées par Mach, illustrant ses propos. L'on déplore, malheureusement, l'aspect expéditif du documentaire et cette impression de précipitation qui fait que l'on n'arrive à saisir les propos que dans leur thématique générale... L'exposition se poursuit jusqu'au 30 juin 2014.