Par Sami ZAOUI (président de l'Atuge Tunisie) Les efforts fournis par la Tunisie pour se hisser au niveau des pays de l'Ocde sont réels et perceptibles à tous les niveaux. Ouverture économique, amélioration des infrastructures, formation de compétences, autant d'axes mis en œuvre par les pouvoirs publics et les acteurs du secteur privé. Derrière cet arsenal de programmes et de mesures, un objectif ultime : aider les entreprises tunisiennes à se développer. Or les dirigeants d'entreprises sont unanimes à reconnaitre que la limite du développement de l'entreprise sont les ressources humaines. Autrement dit, la non-disponibilité (le terme n'est pas heureux, mais parfaitement juste !) de compétences les empêche de mettre en œuvre leurs projets de développement. Non-disponibilité de compétences, disent-ils, alors que la Tunisie souffre d'une situation de chômage endémique ? Certainement, ce qui pose la question de l'employabilité des diplômés, et par-delà leur formation, voire leur éducation. C'est cette problématique qui a été développée lors du Forum de l'Atuge, qui s'est tenu hier, 30 juin, à Tunis. Quelques rappels pour situer l'enjeu de l'éducation et de l'employabilité Savez-vous qu'un tiers des métiers qui seront exercés en 2025 ne sont pas connus à ce jour ? Cela vous surprend ? Vous avez la mémoire courte ! Internet et la téléphonie mobile, ou encore les systèmes d'information intégrés, qui occupent une place monumentale dans le monde professionnel d'aujourd'hui, existaient à peine il y a 15 ans. Savez-vous qu'une personne qui entame sa carrière aujourd'hui changera 7 fois de métier ? En moyenne, tous les cinq ans donc, sachant que ce n'est qu'une moyenne. Sacrée faculté d'adaptation requise ! Savez-vous que 50% des connaissances acquises par un nouveau diplômé en sciences techniques (électronique, par exemple) seront caduques 5 années après l'obtention de son diplôme ? Savez-vous enfin qu'à un niveau macroéconomique, les (r)évolutions sont tout autant perceptibles ? Quelles similitudes entre la Tunisie économique et sociale des années 1970, 1990 et 2010 ? et 2030 ? Probablement pas grand-chose. Mais alors, à quoi et comment préparer les futurs cadres et employés? Tel est le casse-tête auquel doivent faire face aussi bien les professionnels de l'enseignement que ceux de la sphère économique, afin que les futurs cadres d'entreprise s'épanouissent dans leur travail et que les entreprises appuient leur développement sur des compétences managériales et techniques avérées. Trois niveaux de réponse Sans avoir la prétention d'être exhaustif sur les réponses à apporter pour améliorer l'employabilité des futurs cadres et employés, trois niveaux de réponse semblent devoir être adressés. Le premier niveau de réponse porte sur la composante comportementale de l'éducation actuellement dispensée aux futurs cadres et employés. Une attention suffisante est-elle portée aux dimensions collaborative — travail en équipe — ou entrepreneuriale — esprit d'initiative et créativité —, pour ne citer que celles-là ? Probablement pas. Et pourtant, la Tunisie a besoin d'initiative économique et donc d'entrepreneurs, de créatifs … En un mot, elle a besoin de porteurs de projets, qui ne sont pas uniquement des futurs créateurs d'entreprises mais également des salariés d'entreprises qui sauront faire preuve de suffisamment d'initiative, de créativité et d'autonomie pour aider l'entreprise dans laquelle ils travaillent à évoluer. Le deuxième niveau de réponse porte sur le renforcement de la relation et des échanges entre les entreprises et le monde universitaire. Autant il y avait unanimité lors des conférences du Forum de l'Atuge, sur le déficit d'échange et de communication entre ces deux pistes, autant il y avait profusion d'idées et de suggestions : enrichir les cours dispensés par l'élaboration de «business cases» (cas pratiques décrivant la réussite de telle privatisation, ou telle démarche de développement à l'international ou encore telle réorientation stratégique), plus forte implication des professionnels de l'entreprise dans l'enseignement, ouverture de l'entreprise aux étudiants en année de césure (une année complète passée en entreprise, avec suspension de l'enseignement, …). Autant d'illustrations de la forte contribution attendue de l'entreprise dans l'ouverture des universités et leur adaptation aux exigences du monde économique. Le dernier niveau de réponse porte sur la capacité des entreprises à investir dans la formation continue de leurs cadres et employés. Puisque le monde de demain sera fait de nouveaux métiers et, à l'échelle individuelle, de changements de métier, comment esquiver l'obligation, voire la responsabilité, qu'aura l'entreprise dans la formation continue, permettant ainsi à ses cadres et employés de répondre en permanence à ses besoins. Mais également aux besoins des autres entreprises, voire des concurrents, ainsi que l'ont souligné de nombreux intervenants. En effet, la mobilité nationale voire internationale des compétences est un véritable défi pour les entreprises, qui pourrait valablement être le thème du forum 2011, 20e édition du Forum de l'Atuge. S.Z.