Une dernière exposition a, par rapport aux précédentes, le privilège de procurer à l'artiste la possibilité de jouir de son moment de gloire présent. Elle bénéficie également du cumul d'expériences de l'artiste et des échos de ses travaux précédents. Dans ce sens, on ne peut l'isoler de l'ensemble de son œuvre. L'art personnel est un tout, il est la réciproque de la personnalité artistique. C'est en présence de Hamadi Ben Saâd que nous avons découvert «De la Mésopotamie à Carthage», sa dernière exposition au club Tahar-Haddad qui se prolonge jusqu'au 10 juillet. Sa présence sur place, ses paroles, ses commentaires font ressortir, le temps d'une rencontre, le cordon ombilical qui lie l'œuvre à l'artiste. Un autodidacte qui peint depuis 1966, voilà comment Hamadi Ben saâd entame son portrait. «Comme tous les jeunes de l'époque qui rêvaient de quitter le pays pour voir le monde, j'ai voyagé, je suis parti en Hollande…». Adepte d'une technique mixte (collage et peinture) qui définit autant son univers que son empreinte artistiques, ses œuvres se prêtent, si l'on ose dire, à un art tribal. Un art qui fouille dans les strates profondes de l'humanité à la recherche de ce qui se cache derrière «la société de consommation», pour retrouver des traits plus originels. «Dans mon voyage en Mésopotamie, en passant par Carthage et jusqu'en Amérique du Nord, j'ai remarqué que les portraits sont très proches, que les gens sont les mêmes», raconte-t-il. «J'ai aussi visité des musées dédiés aux amérindiens et j'ai eu la même impression». Le résultat se voit sur ses travaux : des séries de quatre ou cinq toiles représentant des masques, où le dessin des visages est réduit à la forme des yeux, du nez et de la bouche, avec des couleurs criardes (rouge, bleu, jaune, vert), spécifiques aux cultures tribales. De loin, ces peintures donnent l'air d'être semblables. Il faut s'en rapprocher pour apprécier le travail de ''marouflage'', qui les différencie et qui consiste à coller un papier ou une toile peinte sur une toile de renfort : «les veines», comme aime à les appeler Hamadi Ben Saâd. Le peintre dit être en «stade de recyclage». Se sentant très concerné par les grandes quantités de papier dont on se débarrasse dans les rues, que ce soit en Europe ou en Tunisie, il en fait le support de son travail artistique. «Je récupère toutes sortes de papiers que j'investis sur la toile. C'est pour moi une façon de rendre hommage aux arbres abattus, surtout que le papier a toujours été le complice fidèle de ma démarche». C'est sa manière d'engager son art en faveur d'une cause, et cela ne tache en rien la qualité de ses œuvres. Bien au contraire, il y rajoute une touche de beauté. Hamadi Ben Saâd a travaillé sur les toiles de «De la Mésopotamie à Carthage» en Caroline du Nord, dans le cadre d'un projet intitulé «Transatlantic voyages» (voyages culturels pour le rapprochement entre les peuples) où il a pu animer des ateliers pour les étudiants de l'université Converse, ainsi que pour des enseignants qui s'occupent de cas sociaux et, même, pour des adolescents et des enfants. Derrière cet épisode, une rencontre en 2001 avec l'enseignante à Converse, Cathy West, venue faire visiter la Tunisie à ses étudiants, et le peintre Ray Cooper. Cette collaboration, qui dure jusqu'à aujourd'hui, va mener Hamadi Ben Saâd à exposer prochainement à New York et à la fondation Jimmy Carter à Atlanta. Il ambitionne d'étendre le projet «Transatlantic voyages» à une collaboration entre des peintres tunisiens, allemands et américains et à un jumelage entre nos écoles et lycées et ceux des Etats-Unis. A suivre…