Pour la première fois de son histoire, le tourisme tunisien remet en question les campagnes publicitaires engagées sur les principaux marchés de la destination. Une étude d'impact qui s'est avérée nécessaire pour savoir où aller et sur quel pied danser Des années durant, les campagnes publicitaires du tourisme tunisien naviguaient à vue. Le budget est dépensé sans aucune estimation, évaluation ou, encore moins, mesure de l'impact sur les marchés concernés. Aujourd'hui, il n'est plus possible de continuer ainsi. Il fallait une remise en question afin d'évaluer l'impact des campagnes lancées et l'ampleur du retour sur investissement. Une première dans les annales du tourisme tunisien, dont la finalité est de réajuster et les cibles et le budget, de se repositionner en termes de redéploiement du budget, d'énergies consenties et d'efforts déployés. L'étude d'impact engagée par le ministère du Tourisme a le mérite d'exister pour permettre à l'administration de savoir où aller, sur quel pied danser, comment réajuster, et le cas échéant, mettre en place un plan d'action promotionnel ciblé et plus clair pour l'année 2015. Les résultats de l'étude d'impact des campagnes publicitaires sur les principaux marchés émetteurs vers la destination Tunisie viennent de tomber. Ils ont été présentés, lors de la dernière réunion des représentants de l'Office national du tourisme tunisien (Ontt), tenue récemment à Tunis, sous la houlette de Wahida Jaiet, directrice générale de l'Ontt. Une réunion qui s'est limitée aux représentants des principaux marchés émetteurs, à savoir la France, l'Allemagne, l'Italie et la Grande-Bretagne, auxquelles on a rajouté la Russie, un marché dont les performances sont remarquables. Faiblesse de notoriété de la destination Le verdict de l'étude a été on ne peut plus clair. A l'exception du marché italien, où la Tunisie est plus ou moins bien perçue, la destination souffre désormais d'une faiblesse de notoriété, sur les marchés britannique et allemand, d'une faiblesse du digital flagrante et de la perte de confiance sur le marché français. Et pourtant, ces quatre marchés, à eux seuls, absorbent environ 80% du budget de la promotion du tourisme tunisien. Certes la perception de la destination diffère d'un marché à un autre. Mais globalement, Wahida Jaiet souligne que la destination Tunisie a une image positive sur certains marchés, alors que sur d'autres, elle est simplement satisfaisante mais en deçà des attentes. Car, explique-t-elle, il n'y a pas de corrélation entre le flux de visiteurs, soit des entrées, et la visibilité de la campagne. Paradoxalement, c'est le marché britannique qui répond le mieux, au niveau du flux, quoique très peu de Britanniques ont vu la campagne engagée par l'Ontt. Force est de reconnaître que sur le marché anglais, la destination a préservé le même niveau de visiteurs, soit environ 400 mille touristes, avec un léger recul par rapport aux deux précédentes années. Un recul qui s'explique, au regard de l'Ontt, par une grande performance dudit marché, au cours des deux dernières années, avec une croissance à deux chiffres. Le recul s'explique aussi par le développement du marché britannique, d'une part, et le statu quo de la destination. En effet, la Tunisie touristique n'a connu aucune montée en gamme de ses produits ni amélioration de la qualité des services. Par contre, les résultats de l'étude d'impact sont plus inquiétants sur le marché français, désormais premier marché émetteur de touristes vers la destination Tunisie. Force est de reconnaître que les efforts engagés sur ce marché n'ont pas donné les résultats escomptés. Ce marché a accusé une baisse importante, et n'arrive pas à sortir la tête de l'eau. D'où, l'impératif d'identifier des solutions sur mesure. « Le marché français qui connaît un grand blocage sur la destination mériterait une opération chirurgicale spéciale», a déclaré Wahida Jaiet. L'étude a par ailleurs révélé que les campagnes publicitaires de la Tunisie sont claires, relativement attractives et complètes. La publicité globale engagée par l'administration a atteint un de ses objectifs, celui de montrer que la Tunisie n'est pas exclusivement balnéaire et qu'elle offre une diversité de produits. Néanmoins, la campagne demeure insuffisante relève l'étude car elle n'a pas atteint son objectif, au même degré sur les marchés concernés. Recommandations pour un plan d'action 2015 L'étude d'impact des campagnes publicitaires engagées par l'Ontt sur ces principaux marchés émetteurs présenterait les principales orientations à suivre dans les plans d'action qui seront engagés en 2015, sur la base d'une série de recommandations formulées. Aussi, pour remédier à la faiblesse de la notoriété de la destination, particulièrement sur les marchés britannique et allemand, l'étude recommande de mettre en place, dès 2015, des opérations de billboard/sponsoring sur des carrefours d'audience télévisuelle, afin de mettre la destination dans le « top of mind » des consommateurs. Il s'agirait également de cibler le segment des seniors en Grande-Bretagne, en Allemagne et en France à travers le web et les médias appropriés. S'agissant particulièrement du marché français, il est nécessaire de rétablir la confiance du touriste français à travers une démarche testimoniale portée par les touristes français ayant séjourné en Tunisie. Sans compter la mise en place d'un plan d'action digital pour permettre au consommateur de se renseigner davantage sur la destination et passer à l'acte d'achat « action to call ». Par ailleurs, l'étude recommande le lancement d'une plateforme de story-telling et de contenu diffusés dans toute l'Europe à travers tous les canaux de communication, à savoir portail digital, programme TV, placement de produits, des actions RP en partenariat avec des médias. Sans oublier, cela va sans dire, de capitaliser sur le registre créatif utilisé, en particulier les beaux paysages et l'émotion, leviers forts pour véhiculer une image qualitative et renforcer l'attractivité de la destination. Les produits de niches sont également autant d'atouts que la destination pourrait promouvoir et qui, pour l'instant, sont noyés dans une publicité globale générant très peu de visibilité. Il s'agit notamment de promouvoir davantage le produit golfique sur le marché allemand, compte tenu de l'importance de son potentiel. L'étude d'impact a, également, recommandé de démarrer plutôt les campagnes publicitaires, notamment en octobre ou novembre, et ce, pour les marchés d'early booking, tels que le marché allemand, d'intensifier la communication digitale sur les sites web marchands en étroite collaboration avec l'agence de publicité, de communiquer de façon régulière, et sur le long terme, pour soutenir le travail de reconstruction et le repositionnement de l'image de la destination. Il serait aussi judicieux d'engager une étude de perception sur le marché français pour déterminer les raisons de la baisse et les moyens de relance pour ce marché et de généraliser les tests d'impact sur l'ensemble des marchés émetteurs au moins une fois par an. L'étude d'impact des campagnes publicitaires lancées par l'Ontt sur les principaux marchés émetteurs est certes une décision audacieuse. Elle a fait grincer des dents à son lancement. Néanmoins, elle a le mérite d'exister pour qu'administration et professionnels du secteur ayant travaillé étroitement sur cette remise en question sachent sur quel pied danser, où aller et surtout réajuster et redéployer le budget, si besoin est.