En Allemagne, Parreira avait misé sur le « génie » brésilien. En Afrique du Sud, Dunga tablait sur la rigueur d'un bloc. Deux lignes directrices, un même terminus : les quarts de finale De 2006 à 2010, il s'est étiré la même chose, finalement. Un Brésil qui domine sans forcer son continent mais qui baisse étrangement la tête face aux grandes puissances européennes. On pouvait penser que Dunga avait redonné à la Seleçao une âme de guerrier et une détestation profonde de la défaite. Visiblement, on s'est trompé ou ils nous ont trompés. Le Brésilien est très fort quand le scénario du match est conciliant ; il l'est beaucoup moins dès lors qu'il s'agit de surmonter un ou deux évènements contraires. On peut pointer ici une faute de l'entraîneur dans cette incapacité à transformer la nervosité des joueurs en une rage positive. Une faute, oui, parce que le conditionnement mental se situe au cœur de ce job. Après 2006, le Brésil devait changer son identité de jeu, trop déséquilibrée, et renforcer son caractère pour viser le titre mondial. Il a rempli la première condition, pas la seconde. En passant de deux à trois milieux axiaux et en écartant les attaquants réfractaires aux replis, Dunga a redonné une assise à la Seleçao. Mais il n'a jamais vraiment élargi ses ressorts offensifs au-delà du trident Kakà-Luis Fabiano-Robinho. Et sa faute se situe là, principalement. Le plus grave n'est pas que le système défensif — qui était un vrai point fort — ait failli à deux reprises face aux Pays-Bas. Le plus grave se situe dans l'absence quasi totale de réaction et de marge de manœuvre. Dans ce contexte, Robinho et Luis Fabiano n'ont pas été à la hauteur. On ne saura jamais si Ronaldinho l'aurait été. Mais on aurait au moins aimé voir pour savoir. Dans sa liste, Dunga a préféré Grafite à Ronaldinho... Mais on continue de penser qu'il n'a pas pris Ronaldinho pour ne pas perturber Kakà. Le hic, et on le savait depuis des mois, c'est que le Madrilène n'arriverait pas à la Coupe du monde sur un élan irrésistible. Le mal est fait, pourrait-on dire. Et l'enjeu, pour le Brésil, est désormais de ne pas revivre pareille désillusion en 2014, quand la Coupe du monde se posera sur ses terres. Premier exportateur mondial de footballeurs, ce pays recèle toujours un vivier de talents colossal. Il doit maintenant trouver les moyens d'en extraire une sélection complète dans ses qualités, ce qui n'était le cas ni en 2006 ni cette année. En Allemagne, Parreira avait misé sur le « génie » brésilien. En Afsud, Dunga tablait sur la rigueur d'un bloc. Deux lignes directrices, un même terminus‑: les quarts de finale. Le prochain sélectionneur devra être le plus apte à replacer le curseur au bon niveau sur l'échelle des idéaux et des nécessités. Il faut remonter à 2002 pour trouver trace de cet équilibre. C'était l'époque de Luiz Felipe Scolari, l'homme à nouveau pressenti pour récupérer les clés de la maison «auriverde». De tous les successeurs potentiels cités jusqu'à présent (Menezes, Luxemburgo, Leonardo), Scolari est de loin le plus appétissant. L'homme qui pourrait orienter la Seleçao vers 2014 avec deux matières premières essentielles : un jeu riche et une étoffe de conquérant.