La reprise des spectacles s'effectue sur un temps fort ce soir, au Festival de Hammamet.«Temps fort» est bien le mot. Il y aura, en deux parties distinctes, deux concerts haut de gamme où l'on aura droit au meilleur de la musique tunisienne mixée. Orientale sous influence jazzy, ainsi la décrivent ses adeptes et ses fans. La première partie reviendra au luthiste compositeur, Fadhel Boubaker, avec sa toute récente création «Coup de destin» qui est (peut-on lire sur la brochure de présentation) «l'aboutissement d'une expérience à la fois artistique, humaine et sociale». «Les membres du band (lit-on encore) ont réussi, en dépit de leurs divergences socio-culturelles, à donner naissance à un produit original...». Quel produit au juste? On peut le déduire, Ade ce que l'on sait du parcours et des idées de Fadhel Boubaker. Fadhel Boubaker est un jeune luthiste qui s'impose de plus en plus à travers une musique aux sonorités jazz-orientales. C'est une touche moderne aux compositions effectuées sur le luth, instrument généralement réservé à la musique traditionnelle arabe. Evidemment, il n'y a là rien de nouveau : la démarche est suivie par nombre de nos solistes luthistes émérites depuis maintenant plus de trois décennies : Anouar Braham et Dhafer Youssef, pour ne citer qu'eux. La différence, néanmoins, se situe à deux niveaux : Un : le contenu qui, de l'avis de la critique, donne chez Fadhel Boubaker énormément plus de marge à la sonorité du luth. Deux : l'approche «épurée» (terme cher au musicien), car rompant avec l'univers festif de la musique arabe conventionnelle, car «ayant strictement vocation culturelle» (récente interview). Une musique en ascendance Le second concert échoira à Mohamed Ali Kammoun et son orchestre (le «Mohamed Ali Kammoun Orchestra»), ensemble d'une quinzaine d'interprètes de haut niveau, qui commence à se frayer un chemin parmi les meilleures troupes de la place, jusque parmi les «grosses watarias». C'est dire son importance. L'ensemble se produit depuis 2009, présentant plusieurs spectacles de musiques tunisiennes improvisées, instrumentales et vocales, composées et arrangées par le chef de file, maître d'œuvre et pianiste Mohamed Ali Kammoun. Le style de l'ensemble? Assurément sous «influence jazzy», c'étaient les débuts de Mohamed Ali Kammoun en 2006 après le «passage obligé» de l'école traditionnelle à Sfax. C'était aussi dicté par une formation académique à Strasbourg et à Paris. Reste que le parcours et les expériences, les idées et les projets se sont forcément «diversifiés» avec le temps. Aujourd'hui, Mohamed Ali Kammoun et ses musiciens parlent plutôt de «compositions originales», de «relectures d'anciens standards du patrimoine tunisien», d'un «univers de métissage mêlant plusieurs cultures musicales, mêlant... lyrisme arabo-turc, formes savantes d'Occident, et rythmiques des musiques populaires...». Le chemin s'allonge et s'approfondit et les spectateurs, ce soir à Hammamet, s'en rendront parfaitement compte en découvrant (et en dégustant... c'est notre opinion) un programme où toutes ses formes et tous ces aspects seront tour à tour restitués : pièce instrumentale, pièces vocales, profane, sacré, rituel, oriental et bédouin. A recommander : les compositions «éclectiques» de Mohamed Ali Kammoun (suite Turân et Tbâ wihkaya) et un beau moment de chant de Aya Daghnouj (Bab darek - composition de Mohamed Ali Kammoun). Mais l'on n'oubliera personne et notamment les instrumentistes de «haut vol» : Hichem Badrani (nay), Hamdi Makhlouf (luth) et Lotfi Soua à la percussion. Ils ont, tous, épaté le public jordanien à la soirée de clôture du Festival de Jarash. Les médias tunisiens ont passé cet exploit sous silence. Heureusement pas nos confrères d'«Addastour» à Amman, qui, en rendant hommage au «Mohamed Ali Kammoun Orchestra», a longuement salué la révolution du jasmin.