La situation économique, sociale et sécuritaire en Tunisie n'est pas sans impact sur les investissements directs étrangers (IDE). Outre la régression des flux d'investissement au cours des dernières années, plusieurs entreprises étrangères ont préféré partir sous d'autres cieux. La situation en Tunisie est inquiétante. On n'arrive pas à retrouver la stabilité ni sociale, ni encore moins sécuritaire. Et, désormais, il est clair que la situation économique ne pourrait s'améliorer que dans le cadre d'un climat stable. Et on ne peut atteindre de progrès économique ni de développement dans un climat d'insécurité où règne le terrorisme. Ce n'est un secret pour personne. Les derniers attentats perpétrés à Kasserine et au Kef, pendant le mois saint de Ramadan, auraient des conséquences négatives. Des conséquences qui se feront ressentir sur la Bourse de Tunis, les IDE et le tourisme. D'ailleurs, concernant le secteur touristique, Radhouen Ben Salah, président de la Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH), avait déclaré récemment que les impacts des opérations terroristes se feraient ressentir, sur l'arrière-saison, compromettant ainsi les objectifs fixés pour la saison 2014. Néanmoins, il n'y aurait pas d'impacts immédiats sur le mois d'août. Car, selon lui, les jeux sont faits, les réservations établies, et il serait difficile, voire impossible pour les TO de changer la destination. Pour ce qui est des investissements directs étrangers (IDE), la communauté d'affaires internationales aurait du mal à opter pour la Tunisie, aux fins d'y placer son argent, dans un contexte d'insécurité. Et les chiffres en baisse l'attestent clairement. En effet, le total des investissements directs étrangers (IDE), en Tunisie en 2014 (avril 2014), a été d'environ 433 MD, soit un recul de -14,9%, par rapport à 2013. L'écart est encore plus important, si l'on se réfère à l'année 2010. En effet, les IDE ont accusé une baisse de -31,8%. Et le risque de voir les chiffres baisser davantage est imminent, suite aux attentats terroristes contre l'Armée tunisienne. A cela s'ajoute un autre impact négatif et pas des moindres : la destination d'affaires Tunisie est en train de perdre les entreprises étrangères implantées sur son sol. Au fait, l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica) a attiré l'attention sur le phénomène inquiétant de délocalisation des entreprises fuyant les mouvements sociaux, de la terreur des attentats et de l'insécurité qui règne. La présidente de l'Utica, Wided Bouchamoui, l'a bien crié haut et fort : 300 entreprises étrangères ont délocalisé leur production dans d'autres pays, faisant ainsi perdre à la Tunisie l'opportunité de 40.000 emplois. Pis encore, ajoute la présidente de l'Utica, les mouvements syndicaux et les troubles sociaux interminables ont poussé un grand investisseur français, opérant dans la fabrication des composants aéronautiques, à opter pour le Maroc, aux fins de s'y installer et de monter son deuxième mégaprojet, initialement prévu en Tunisie. A ce titre, la présidente de la centrale patronale a annoncé qu'une cellule spéciale sera incessamment mise sur pied, pour assurer le suivi de la situation sociale dans les entreprises qui vivent des grèves et d'autres difficultés sociales. Une trêve sociale est impérative Mais est-ce suffisant ? Gouvernement, organisations nationales, et plusieurs associations ont appelé à une trêve sociale. L'heure est grave. L'économie va mal certes. Mais, c'est tout le pays qui en pâtit. On ne rappellera pas que la Tunisie fait face à des menaces terroristes grandissantes. Le pays ne supporte plus les mouvements sociaux alimentés, derrière le rideau, par des partis politiques qui trouvent leur compte dans une situation tendue. Une situation qui, désormais, ne cesse de s'aggraver et l'économie du pays aurait du mal à se redresser. Plongée dans une situation politique et économique difficile et floue, la Tunisie connaît une des périodes les plus difficiles depuis janvier 2011 : Tunisiens et PME se trouvent confrontés à un nouveau phénomène qui fait irruption dans leur quotidien et qui manifestement crée une situation nouvelle. Au regard du Centre tunisien de veille et d'intelligence économique (Ctvie), le récent classement du World Economic Forum a mis en lumière cette question et son impact sur la compétitivité de l'entreprise tunisienne. Ainsi, au niveau du pilier institutionnel, la Tunisie pointe au 137e rang mondial pour ce qui concerne le coût du terrorisme pour l'entreprise, au 117e rang pour ce qui concerne le coût des crimes et de la violence, et au 100e rang pour le coût du crime organisé». Les chiffres sont la résultante d'une enquête menée auprès des chefs d'entreprises installées en Tunisie, et démontrent clairement une perception négative mais surtout un impact direct de la situation sécuritaire sur la productivité de l'entreprise. Sans concertation avec le World Economic Forum, le Ctvie a lancé une enquête auprès des chefs d'entreprises pour étudier l'impact de la situation politique et sécuritaire en Tunisie sur l'entreprise, à court et moyen termes. Objectif : recueillir les opinions et les avis des chefs d'entreprise pour mesurer l'impact de la crise politique et des actes terroristes sur les perspectives économiques en général et sur l'activité du secteur privé en particulier. Au regard de cette enquête, réalisée il y a quelque temps, les chefs d'entreprise ont estimé l'impact économique de la crise politique actuelle sur leurs activités économiques. D'abord, par nature, la crise politique a plus d'impact sur l'activité économique que les actes terroristes. Un constat, relève l'enquête, qui peut s'expliquer par le fait que les actes terroristes sont ponctuels et limités dans le temps alors que la crise politique ne l'est pas, elle est plutôt latente et peut prendre différentes formes (grèves, sit-in...), ce qui pourrait perturber le fonctionnement de l'activité économique. Ensuite, dans le temps, les répercussions futures — négatives — de ces événements seront davantage plus importantes que l'impact immédiat. Un phénomène qui, toujours selon l'enquête, s'explique par l'effet contagion ou l'effet tache d'huile de ces événements qui seront pris en considération dans les décisions de nos partenaires économiques pour ajuster leurs comportements à moyen et long termes afin de prendre en considération les événements que connaît la Tunisie. L'incertitude ne fait que s'accentuer Les attaques terroristes accentuent désormais l'incertitude qui pourrait avoir des conséquences économiques à moyen terme. Et l'enquête menée par l'Institut arabe des chefs d'entreprise (Iace) à travers le Ctvie le confirme clairement. «Les résultats dégagés de l'enquête convergent vers les attentes théoriques développées plus haut. Ainsi, si les conditions actuelles persistaient, 88,9 % des chefs d'entreprise enquêtés estiment qu'à la fin de l'année la situation économique de la Tunisie sera pire qu'aujourd'hui et on clôturerait l'année 2014 avec une croissance négative de l'ordre de 0,46 %. Seulement 3,7% des enquêtés sont optimistes et estiment que la situation économique dans six mois sera meilleure qu'aujourd'hui». L'enquête a été menée six mois après le début de la vague d'attentats en Tunisie. Et il apparaît clairement que trois conséquences importantes seront durables. D'abord, le climat général des affaires est affecté négativement. Ensuite, la tendance générale de l'entreprise est au pessimisme à court terme. Enfin, l'entreprise est affectée directement et indirectement, et des surcoûts devront être assumés à ce titre. «L'enquête souligne dans ses recommandations que des efforts conséquents doivent être entrepris pour enrayer ce phénomène. Il convient, cependant, de ne pas mettre trop unilatéralement l'accent sur les moyens de dissuasion militaires et policiers. Mieux vaut chercher également à éliminer les causes profondes du mal. D'un autre côté, il faut éviter que l'économie n'étouffe sous le poids d'une réglementation excessive prononcée au nom de la lutte antiterroriste». Au regard de l'enquête, la réussite des mesures à engager est tributaire de l'instauration d'une paix sociale et d'une volonté à mettre en œuvre le pacte social qui a été signé entre le gouvernement, l'Utica et l'Ugtt le 14 janvier 2013. A cela s'ajoute l'assurance d'une stabilité politique permettant certainement de prendre les dispositions économiques nécessaires, justes et au bon moment. Sans compter la mise en place d'une feuille de route pour atteindre un niveau de stabilité politique suffisant à mettre en œuvre.